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Crucifère

Crucifère

Titel: Crucifère
Autoren: David Camus
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« Fausse Amour ».)
    « C’est tout Simon », se dit Cassiopée. « Pareil à un feu de paille, il s’embrase, il s’emporte et ne sait plus que faire pour tromper son ennui, sinon agir – peu lui importe de savoir comment… Comme s’il n’y avait que l’action pour nous consoler, triompher du malheur et nous permettre de reprendre en main notre destinée… »
    Les bras croisés, elle regarda Simon remonter la jetée verglacée puis disparaître dans un dédale de ruelles d’où surgirent quelques pêcheurs matinaux. Le corps recouvert de plusieurs couches de vêtements, ils ressemblaient à des ours patauds. Mettant l’aube à profit pour s’installer aux meilleures places le long des quais, ils déballèrent leur matériel, tendirent leurs lignes et appâtèrent leurs hameçons. Une nouvelle journée commençait, et la lumière drapait d’or la cité blanche et l’eau bleue. Alors, seulement, Cassiopée s’ouvrit aux bruits du port, annonciateurs d’appareillages. Cogues, huissières, galées militaires, chaloupes et nefs, s’entrechoquant ou gémissant, tels des amants pressés de s’unir une dernière fois avant de partir en mer ; voiles claquant contre le mât, grincements de poulies et de planches, gémissements des rames, appels des marins debout pour la corvée de pont, haleines s’exhalant en fumées dans l’air glacé, puis cris de l’oiselle saluant l’ascension du soleil. Se protégeant de la lumière avec une main, tout en refermant son mantel de l’autre, Cassiopée regarda son oiselle tournoyer dans le ciel, puis redescendre à la hauteur de Notre-Dame de la Galline. Cette petite chapelle, bâtie sur les hauteurs de Marseille, était depuis deux siècles le lieu de fervents pèlerinages. Été comme hiver, on y venait en foule honorer une statue de la Vierge à l’Enfant Jésus enserrant en ses bras une poule. Cette poule, curieusement, fascinait l’oiselle. Depuis qu’ils étaient à Marseille, pas une journée ne s’était écoulée sans qu’elle aille y faire son propre petit pèlerinage – ce qui faisait sourire Cassiopée, qui se disait : « Ce n’est pas un faucon pèlerin pour rien… »
    À ce moment précis, Conrad de Montferrat sortit de Notre-Dame de la Galline. Surprise de le voir seul, Cassiopée haussa un sourcil en voyant l’intrépide marquis, vêtu d’un épais manteau taillé dans une fourrure d’ours, descendre gaillardement la grand-rue, puis la jetée où ils étaient amarrés.
    Quand il eut regagné le bord, elle lui demanda :
    — Vous n’êtes pas avec Josias ?
    — Hélas, trois fois hélas ! s’écria-t-il en levant les mains au ciel, d’un air désolé.
    — Comment cela ? s’inquiéta-t-elle.
    — Vous connaissez les rois… Toujours à babiller : faut-il partir maintenant, ou dans six mois ? Faut-il partir ensemble, ou séparément ? Faut-il partir par voie de mer, ou par la terre ? Faut-il, faut-il… Que sais-je encore ? Des « faut-il ? », ils sont capables d’en inventer jusqu’au Jugement dernier. En attendant, Jérusalem est entre les mains des mécréants, et Tyr risque de tomber si je ne me dépêche pas de rentrer…
    Ses doigts couraient sur le givre du bastingage de La Stella di Dio. Le marquis bouillonnait car c’était un homme plus habitué à agir qu’à temporiser. La preuve en était que de tous les nobles présents en Terre sainte au moment du désastre de Hattin, à la suite duquel Saladin s’était emparé de la Vraie Croix et avait repris Jérusalem, le seul à s’être déplacé à Rome et dans toutes les cours d’Europe pour tenter de convaincre les puissants de contre-attaquer, c’était lui – et aucun autre.
    Cassiopée eut un sourire en songeant à toutes les concessions que le marquis avait offertes aux Marseillais, aux Pisans, aux Génois, pour se concilier leurs bonnes grâces. En échange, il avait récolté le droit d’utiliser leurs ports, et de commercer avec eux sans acquitter de taxes. Ainsi, Tyr avait échappé au désastre économique qui avait ravagé les rares cités franques établies en Terre sainte à n’avoir pas été conquises par Saladin. Avec Montferrat, la chrétienté avait peut-être trouvé son nouveau roi de Jérusalem. À moins que son ancien roi, Guy de Lusignan, responsable du drame de Hattin, ne s’y accroche bec et ongles… Créant ainsi parmi les Francs une fâcheuse division, facilitant la tâche aux Sarrasins.
    — D’après mes
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