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Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire
Autoren: Alain Marécaux
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là pour soutenir les migrants, et moi, je suis présent pour les expulser. Nous échangeons une poignée de main chaleureuse. Aurions-nous pu imaginer une telle scène, quand nous pourrissions nos vies dans nos geôles respectives ?

Épilogue

L ’après Outreau, une aventure dont je ne voulais pas
    L’après Outreau s’annonçait pour moi comme une nuit sans fin. Une existence soudain privée de toute saveur, de tout fondement.
    Un être humain peut-il renaître quand il a tout perdu ? Quand il se croit brisé pour toujours ?
    Au lendemain du verdict pourtant libérateur de la cour d’assises de Paris, en 2005, un jugement qui faisait de moi un homme innocent, donc vraiment libre, je n’en étais pas sûr.
    Et puis, un soir, le téléphone a sonné à l’Étude. D’ordinaire, mon secrétariat filtre les appels, tant les coups de fil sont nombreux. Mais sans trop savoir comment, Sabine a franchi le barrage. Nous bavardons un moment. J’apprends qu’elle m’a vu pour la première fois à la télévision, lors de la retransmission de la commission d’enquête parlementaire. Elle me dit avoir pleuré à m’entendre, avoir désiré m’appeler. Je l’écoute, mais sans plus. Je me souviens lui avoir lâché cette remarque : « Vous prétendez me connaître, et vous ne m’avez même pas lu ! »
    Elle achète le livre, me rappelle. Nous allons prendre un café à Calais. De cette rencontre naît une amitié : je lui parle de mes enfants, des week-ends en Bretagne où je vais leur rendre visite. Puis elle me présente son plus jeune fils, François, alors âgé de douze ans, puis Fabien, un autre de ses garçons. Et je fais de même, avec Sébastien. Je crois bien que nous nous plaisons déjà, et pourtant, je ne suis pas encore prêt.
    Un peu plus tard, c’est elle qui m’invite à Dunkerque, où elle habite. Sur le chemin, je me dis que j’aimerais bien l’embrasser… et c’est elle qui m’embrassera la première, en m’ouvrant la porte. Voilà comment est née notre belle histoire. Sabine est infirmière de nuit. Je l’admire pour son courage, sa simplicité, sa gentillesse. Son amour se lit à travers ses gestes, ses attentions, ses envies de me faire plaisir. Elle m’aide à surmonter mes angoisses, fait son possible pour sécher mes larmes et exorciser les fantômes d’Outreau. Elle me supporte, moi, le pantin désarticulé, avec mon passé judiciaire, mon vécu carcéral, mes absences. J’aime la cage dorée qu’elle a construite autour de moi, je m’y sens à l’abri.
    Nous avons reconstruit une famille : quatre enfants chacun, car je compte aussi Mathieu, un copain de mon fils aîné que je considère comme mon fils adoptif, et six petits-enfants. Nous rénovons une fermette dans la région de Saint-Omer où nous possédons une jument (qui vient d’avoir son premier poulain !), songeons à acheter une péniche pour naviguer sur les canaux… Nous partageons tant de choses ensemble !
    *
    Je dois aussi reconnaître que cette tragédie d’Outreau m’a permis de vivre des choses inimaginables. Avec mon livre en bandoulière, je me suis retrouvé, bien malgré moi, dans des séances de dédicace, sur des plateaux de télévision. Mon éditeur m’encourageait à sortir, me poussait à m’extraire de ma bulle : « Si, Alain, on y va, je t’accompagne ! » Et quand j’entendais Marc-Olivier Fogiel annoncer mon nom au sommaire de son émission, je pensais : « Mais qu’est-ce que je fais là ? »
    Dans les cocktails parisiens, je me sentais tel un Ch’ti égaré à Saint-Tropez ! Mais je l’avoue, cette plongée dans un monde inconnu ne fut pas désagréable. J’ai pu parler avec des célébrités que je n’avais jamais aperçues que dans leurs œuvres. De nombreux journalistes m’appelaient pour me demander de participer à tel ou tel reportage, et les demandes d’interviews affluaient sur ma messagerie Croyez-moi, ça fait plus que bizarre de passer du Marécaux derrière les barreaux au Marécaux sous les projecteurs !
    *
    Mais je ne voudrais pas que l’on ne se méprenne sur ce que je viens de dire : je ne suis pas, au final, un homme « pas si malheureux que cela », qui exploite ce qu’il lui est arrivé pour faire parler de lui. Je reste aujourd’hui un homme brisé qui tente de revivre, une victime judiciaire qui a à cœur de vouloir témoigner.
    Chacun des treize acquittés a vécu « son » Outreau. Aucun d’entre nous ne vous racontera
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