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Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire
Autoren: Alain Marécaux
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d’auditions publiques.
    Le 18 janvier 2006, nous sommes, nous aussi, les treize acquittés d’Outreau, invités à notre tour à nous exprimer sur notre vision du système judiciaire dans le cadre de l’enquête retransmise sur la chaîne parlementaire. Chacun d’entre nous peut raconter son long calvaire, sous le regard du nouveau garde des Sceaux, ému, révolté par ce qu’il entend. Ces moments-là s’avèrent, de mon point de vue, plus cruels que libérateurs, en ce sens qu’ils me portent à me remémorer dans le détail non seulement les moments effroyables que je viens de vivre en détention, mais hélas, plus encore, à constater les ravages de cette machine à broyer, cette machine à tout perdre que représente à mes yeux le déroulement implacable d’une erreur judiciaire aussi infernale qu’irréparable.
    *
    Un mois plus tard, le 18 février 2006, c’est au tour du juge Burgaud de venir s’expliquer au pupitre. Moment crucial que nous attendons tous. Comment ce petit zélateur de la procédure inquisitoire qui ne prenait même pas le temps de nous regarder, sauf pour nous humilier davantage, va-t-il se comporter devant une assemblée chargée de lui demander des comptes ? Va-t-il reconnaître enfin ses erreurs ?
    Notre présence est admise, mais tout juste tolérée nous aurons le droit d’être dans la salle, mais à la condition de nous engager à rester silencieux. On nous a avertis : à la moindre intervention, nous serons invités dans l’instant à quitter la pièce ! Seuls sept d’entre nous souhaitent assister à cette audition, dont j’espère beaucoup et peu à la fois : entendre Fabrice Burgaud dire : « Je me suis trompé. » Interrogé sur le sujet par des journalistes de France 2, je donne spontanément mon opinion : « Je vivrais comme une injustice le fait que le juge Burgaud ne soit pas sanctionné », et j’ajoute : « Je vivrais aussi comme une injustice, aussi, le fait qu’il soit le seul à l’être. » Une subtilité bien inutile, puisqu’aucune sanction ne viendra ternir la toge d’aucun magistrat impliqué.
    Aucun des sept acquittés présents ne peut oublier l’arrivée de Fabrice Burgaud flottant dans son costume gris, un petit écolier qui pince les lèvres, bras croisés. Il tripote son stylo et regarde vers le bas, tel un gamin pris en faute. Blême, la voix à peine chevrotante, il ânonne des lambeaux de réponses aux questions de Philippe Houillon, rapporteur de la commission, pourtant très clair dans son désir de savoir pourquoi le juge d’instruction s’est ainsi enfermé dans une accusation aveugle. On tend l’oreille pour entendre les bribes d’explications techniques de Burgaud : « On avait des interrogations sur l’ensemble des éléments…» « C’est une situation dramatique, j’sais pas quoi dire d’autre »
    Le rapporteur s’impatiente : « C’est notre liberté qui est en jeu, et vos réponses sont un peu courtes ! » Frustré de ne pas pouvoir intervenir, je serre les poings lorsque j’entends notre jeune bourreau lâcher cette contrevérité : « J’estime avoir rempli honnêtement ma mission. Personne n’est venu me dire que je faisais fausse route ! » Personne ? Et nos avocats, qui tentaient par tous les moyens de communiquer avec lui et qu’il ne prenait même pas la peine d’écouter ?
    L’un des députés de la commission l’interrogera au sujet de son attitude jugée incorrecte envers moi, lors du décès de ma mère, dont il s’est mis à parler à l’imparfait, sans un mot de compassion, alors que je lui disais qu’elle venait de mourir : « Je crois que M me  Marécaux avait des problèmes cardiaques ! », répondra Burgaud, en guise de mea culpa. Une contrevérité afin de décliner toute parcelle de responsabilité. Une de trop. Je quitte la salle en pleurs. Décidément, il aura été pitoyable jusqu’au bout.
    *
    Dix ans après mon incarcération du 14 novembre 2001, je voudrais d’abord rassurer mes concitoyens sur un point précis : selon moi, Fabrice Burgaud constitue une exception parmi les magistrats, qui, pour la majorité, font correctement leur travail. Ceux qui laissent encore entendre qu’il y a des coupables parmi les acquittés pensent, en revanche, comme des Burgaud en puissance : ils n’ont pas compris qu’ils n’appartiennent pas à une caste d’intouchables et qu’un corporatisme exacerbé n’apporte rien à leur profession. Au contraire,
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