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Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire
Autoren: Alain Marécaux
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tous.
    À cet instant, je pense que si la mort avait voulu de moi, nous serions deux, là-haut, à contempler nos compagnons entrevoir le bout du tunnel. La mort, j’y ai échappé si miraculeusement, je l’ai fréquentée de très près lors de mes quatre-vingt-dix-huit jours de grève de la faim. Arrivé au seuil de quarante-huit kilos, j’ai connu des hallucinations, j’ai entendu mes os craquer. Au centième jour, j’en suis sûr, j’aurais rejoint François Mourmand.
    Et là, un silence absolu s’installe. Une vraie scène de mime, sans geste, sans voix ni expression. Comme si chaque bribe de vie venait de s’envoler dans la seconde. Puis on entend grincer les pas des avocats de la partie civile qui se lèvent dans un même élan pour quitter l’allée centrale. Ces avocats représentent les associations dont le rôle est de défendre les enfants victimes d’agression. Eux croyaient dur comme fer à ce réseau de coupables pédophiles dénoncés par ces enfants martyrs. Ils ne digèrent pas ce qui arrive.
    *
    Et voici enfin le délibéré. Un délibéré de… sept heures et demie ! Presque huit heures d’angoisse, pour nous six, à tuer le temps, à tenter de penser à autre chose alors que nous ne pensons qu’à cela. Mes chers cahiers me permettent aujourd’hui de revenir sur certaines confidences que nous nous échangions pour nous détendre.
    Ainsi du prêtre Dominique Wiel, qui évoque ces jours où il a été confronté devant le juge Burgaud, face à Badaoui, Grenon et Delplanque. Alors que les trois accusateurs se répondent les uns aux autres dans une cacophonie de déclarations aussi contradictoires qu’invraisemblables, Dominique se lève pour entonner la Marseillaise. Et il se justifie avec ces mots pleins d’humour : « J’avais bien pensé au Te deum, mais c’était trop religieux ; avec l’Internationale, je risquais d’être catalogué. Finalement, j’ai opté pour la Marseillaise ! »
    Et nous rions pour ne pas pleurer. J’ai aussi noté cette anecdote de Christian Godard aujourd’hui décédé, le mari de la malheureuse « boulangère », confronté lui aussi aux coupables accusateurs face à Fabrice Burgaud. La scène qu’il me décrit en dit long sur le lien qui unissait la violeuse mythomane au petit juge : « Burgaud était là, assis à son bureau. Face à lui, Aurélie Grenon, David Delplanque et Thierry Delay. Nous attendions Myriam Badaoui. Et elle arrive. Burgaud se lève pour aller à sa rencontre et lui lance : “Bonjour ! Avez-vous fait bon voyage ?” » Six ans après, j’en ai encore la chair de poule : vous imaginez, un pauvre innocent qui pourrit sa vie en prison séparé de sa femme, accusée à tort elle aussi, et qui voit une vraie coupable accueillie avec égards par un magistrat qui nous traitait, nous, les vrais innocents, comme les derniers des derniers ?
    *
    Les aiguilles de l’horloge de la salle des témoins, dans laquelle nous nous sommes réfugiés au cours de cette longue attente, tournent enfin… Alors que le verdict approche, un greffier nous invite à rejoindre nos bancs de la salle d’audience. On nous avait promis la délivrance en début d’après midi, il est un peu plus de 18 heures. Je n’en peux plus. Un ultime frisson d’angoisse m’étreint. Dominique Wiel lâche dans un souffle : « Ils seraient bien capables de nous condamner ces cons-là ! » Et je panique. Mais oui, bien sûr, il a raison, Dominique. Ils ne vont pas tous nous acquitter. Ils ne le peuvent pas. Le fiasco serait trop grand. Et je me mets à cogiter sur les innocents que la justice refusera d’innocenter. J’enlève le petit Daniel, je mets de côté Sandrine Lavier, et je forme deux couples au choix du juge : Dominique Wiel ou moi, avec Thierry Dausque ou Franck Lavier, ce qui permettrait aux magistrats d’affirmer : « Vous voyez, cette affaire de réseau pédophile existait bien… Il y avait quand même des gens coupables ! »
    Seule l’image de la présidente tend à me rassurer. Durant un mois, elle a tenu son audience de manière indépendante. Avec le recul, je me demande encore si nous aurions été disculpés de la même manière sous la baguette du président de la cour d’assises de Saint-Omer…
    Plus tard, au début de l’année 2006, j’aurai d’ailleurs l’occasion de remercier Odile Mondineux pour ce qu’elle a fait pour moi. Elle me répondra : « Je n’ai rien fait pour vous, mais pour la
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