Avec Eux...

passion de mes interlocuteurs, et sur le rendez-vous qui précède notre entrevue. Ces deux choses sont déterminantes. À partir de là, je me dis que nous pouvons commencer quelque chose ensemble et le partager avec d’autres…

28. Les bulles de champagne
 les plus tristes du monde
    Le 6 mai 2007, Nicolas Sarkozy est élu président de la République. Il prend ses fonctions le 16 mai et confie le ministère des Affaires étrangères et européennes à Bernard Kouchner, en remplacement de Philippe Douste-Blazy. Étrange situation que la mienne : je suis la compagne de Philippe, et Bernard Kouchner est un ami de longue date. J’ai souvent été amenée à travailler avec lui lors d’émissions ou de reportages à l’époque de Médecin sans frontières et du ministère de la Santé. À 15 h 30, ce vendredi 18 mai, la cérémonie de passation de pouvoir entre les deux hommes est un moment auquel je me dois d’assister, et dont je me souviendrai à tout jamais.
    Les remaniements ministériels ne sont jamais très joyeux pour ceux qui partent. Philippe ne sait d’ailleurs absolument pas où il va aboutir. Villepiniste et chiraquien, il ne fait pas partie des proches de Nicolas Sarkozy… Après les élections présidentielles, nous savions que nous devrions faire nos cartons au Quai d’Orsay. Pour moi, cela équivaut à des caisses et des caisses débordant de souvenirs. La nouvelle équipe de Bernard Kouchner est déjà arrivée. C’est donc la valse des cartons dans les deux sens. Les conseillers duministre qui part n’ont pas encore quitté leur siège que les autres attendent déjà dans le couloir. Les sourires sont amers et de convenance. En cette plutôt belle journée de printemps, Philippe abandonne à regret ses fonctions au ministère des Affaires étrangères, mais il lui faut suivre le cérémonial habituel du protocole, et échanger la poignée de main traditionnelle entre l’ancien et le nouveau ministre en charge. Je sais combien Philippe est troublé de quitter cette fonction qu’il a sincèrement aimée et dans laquelle il s’est investi à deux cents pour cent. Je le ressens en filigrane dans son discours : « J’ai dit à mes équipes ayez confiance, parce que celui qui arrive est un grand homme politique, avec des convictions qu’il a toujours défendues dans le monde entier… Je le dis, tu le sais mon cher Bernard, avec le cœur et avec toute l’honnêteté qui me caractérise… »
    Philippe lui passe le flambeau en ces termes : « Le monde est dangereux, instable… La France n’est pas un pays comme les autres, elle défend des valeurs universelles de respect de la souveraineté nationale, de l’intégrité territoriale, des indépendances nationales… Tu vas trouver sur ton bureau le plus grand, le plus dangereux des dossiers, celui de la prolifération nucléaire, et donc le problème du développement durable et du réchauffement de la planète. Tu auras évidemment à gérer le problème du Proche et du Moyen-Orient, que tu connais mieux que personne, sans oublier celui de l’Afrique, ses conflits, sa pauvreté, le Darfour… »
    C’est une page qui se ferme pour Philippe, tandis que Bernard Kouchner salue son implication et le travail accompli dans cette fonction qu’ils sont en train d’échanger : « Si j’étais ému, c’est parce que, dans le discours de Philippe Douste-Blazy, chaque mot avait son sens, son poids… Il vient de le dire, nous avons face aux problèmes du mondeun rôle particulier à jouer. Les dossiers qu’il nous a présentés témoignent de son acharnement, de sa connaissance et véritablement de son obstination… »
    Notre pays étant reconnu comme ayant une des plus grandes diplomaties du monde avec les États-Unis, Bernard Kouchner est conscient de la portée de la voix de la France dans le monde : « Nous sommes attendus, même quand il n’y a pas de solution et qu’il nous faut donc en inventer… J’ai conscience de l’ampleur de la tâche et de la nécessité de s’y atteler jour et nuit. Je n’ai qu’une recette en politique : continuer,