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Aesculapius

Aesculapius

Titel: Aesculapius
Autoren: Andrea H. Japp
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fenêtres étroites, était sombre et déserte. Les murs badigeonnés au lait de chaux noircis par la suie des torches la rendaient un peu sinistre. Une odeur peu flatteuse, mélange de graillon, de lait tourné et des remugles du putel 2 voisin flottait à hauteur de narines.
    Forçant les graves de sa voix ainsi qu’il s’y était entraîné, Druon cria :
    — Ohé, maître Huant ? Maître Chat 3  ?
    Le silence lui répondit.
    Il récidiva, toujours sans succès. Il hésita. Tourner les talons et chercher un autre gîte pour la nuit ? Il était épuisé, la prochaine auberge devait se situer à plus d’une lieue* de marche, et le soir ne tarderait pas à tomber. Il avait envie d’un souper digne de ce nom, d’un bon matelas de paille, d’ôter la large bande de lin qu’il serrait autour de sa poitrine afin de comprimer ses seins, et de longues ablutions au matin 4 . Il s’installa, attendant que l’on daigne s’occuper de lui.

    Les coudes plantés sur la table de vilain bois, le menton appuyé sur ses poings fermés, il glissa dans ses pensées. Étrange. Avant, avant cette horrible chose, chaque jour, chaque heure, chaque minute avait un sens, une importance. Il fallait tenir la maison, préparer les repas, s’approvisionner au marché, houspiller parfois un serviteur qui se dorait la couenne au soleil ou confondait un tonneau en perce de la cave avec l’eau du puits, et qu’Héluise retrouvait fin saoul, ronflotant, couché à même le sol, roulé en boule entre les barriques, un sourire ivrogne aux lèvres. Ensuite, son père rentrait de ses visites, ou de ses consultations à ciel ouvert les jours de marché aux bestiaux ou au drap, agacé ou satisfait, parfois triste. À son regard, à la sécheresse de ses gestes, elle savait si la vie avait triomphé ou si elle avait battu en retraite. Il bougonnait souvent, s’emportant sur la pingrerie de ses patients, qui ne reculaient devant aucune ruse pour le moins payer. « Les riches venaient le trouver en habit de pauvre et s’ils étaient en habit de riche, ils donnaient de faux prétexte pour diminuer son salaire 5 . » L’univers s’ouvrait ensuite au seul profit de l’enfante Héluise, puis de la jeune fille, enfin de la jeune femme. Il l’entraînait dans sa petite salle d’étude située au bout d’un long couloir, et verrouillait la porte derrière eux pour décourager ce qu’il nommait les « longues oreilles ». La Connaissance se révélait. Héluise apprenait tout avec la même délectation et tout la fascinait, pour le plus grand bonheur de son père. De lui, elle avait appris que la médecine astrologique qui se pratiquait alors était une aberration, tout comme les remèdes analogiques. Naître sous le signe du Gémeaux n’impliquait pas nécessairement que l’on souffrirait de faiblesse de souffle, sous celui du Cancer que l’on peinerait à digérer 6 . Ce n’était pas parce qu’une fleur était jaune que ses décoctions avaient le pouvoir de guérir une jaunisse. Quant au coquelicot, il ne vivifiait pas le sang paresseux, juste par sa couleur. Il s’emballait, prédisant un avenir mirifique à la science, qui, disait-il, soignerait les gens de leur pire ennemi : la superstition, les croyances ineptes. Il se désespérait parfois lorsqu’il évoquait l’immensité des progrès à accomplir. Dieu qu’elle l’avait aimé. Qu’elle l’aimerait toujours.

    Un son lourd tira Héluise de ses souvenirs. Elle réintégra l’enveloppe de Druon. Il tourna la tête vers l’escalier qui montait aux chambres et aperçut tout d’abord deux chevilles grasses que frôlait l’ourlet crasseux d’une robe. On eût cru qu’un éléphant peinait à descendre les marches. Au demeurant, sa peu charitable comparaison se justifia lorsque la femme déboucha dans la salle. La tenancière. Une sorte de grosse outre ventrue, sanglée dans une cotte trop juste et dont le chainse était délacé, laissant entrevoir deux énormes mamelles peu ragoûtantes. Des mèches grisâtres et sales s’échappaient de son bonnet de lin posé de guingois sur son crâne. Ses joues étaient empourprées et Druon se demanda d’abord s’il s’agissait d’une vilaine couperose d’excès ou d’un afflux de sang trop épais. Jusqu’à ce qu’il aperçoive le gamin maigrelet qui descendait derrière la femme. Il était décharné comme un chat errant, de petite taille, enveloppé de haillons, pieds nus. Les larmes avaient laissé des sillons
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