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Aesculapius

Aesculapius

Titel: Aesculapius
Autoren: Andrea H. Japp
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le ventre, Agnan gisait sur le flanc, tassé sur lui-même. En dépit de la froidure, une sueur malsaine lui trempait le visage et sa peau avait viré au gris cendre des agonisants. Une salive jaunâtre s’écoulait de ses lèvres. Il avait bafouillé :
    — Je me meurs, mon bon cousin. Maudits soient ceux qui…
    Une nouvelle quinte avait étouffé ses mots. Fauvel savait que rien de ce qu’il pourrait tenter ne lui redonnerait vie. Un autre médecin aurait pratiqué une saignée 9 , éternel remède qui avait sans doute envoyé plus de malheureux au trépas que toute autre pratique, au prétexte qu’il s’agissait d’« une ventilation de la chaleur des quatre humeurs ». Sans doute aurait-il aussi eu recours aux recettes recensées dans les différents bestiaires ou lapidaires 10 et notamment aux bézoards 11 , sensés faire merveille en pareil cas. Toutefois, Fauvel ne croyait plus depuis longtemps aux vertus alexipharmaques 12 de la fameuse pierre que certains charlatans vendaient à prix d’or en prétendant l’avoir extirpée du crâne d’un crapaud 13 .
    Il s’était agenouillé à côté du mourant, soulevant sa tête afin de faciliter sa respiration. L’esprit d’Agnan se brouillait. Il avait marmonné :
    — Tant de temps pour si peu. Quel gâchis. Dieu tout-puissant, quel consternant gâchis !
    Son souffle s’était fait laborieux, heurté. Il avait tendu sa main courbée en serre. Ses doigts s’étaient entrouverts et la pierre rouge sang en était tombée. Le moine avait alors répété :
    —  Templa mentis, templa mentis …
    — Mon bon cousin ?
    — Si peu… Rien…
    Jehan avait essuyé de sa paume la sueur qui baignait le front de l’agonisant. Un vague sourire déjà lointain. Les yeux d’Agnan s’étaient ouverts grands et sa tête avait basculé sur le côté.
    Dans le froid glaçant, Jehan Fauvel avait prié pour le repos de ce cousin qu’il ne connaissait que de peu. Il l’avait ensuite allongé, croisant ses mains en prière sur sa poitrine, redoutant que le froid et la rigor mortis n’imposent bien vite à ce pauvre corps une posture grotesque.
    Sans doute était-ce à cet instant précis qu’il avait pris la mesure de la formidable puissance de leurs ennemis, ces ennemis dont il ignorait tout.

    Le mire revint à ici et maintenant et jeta un long regard à l’évêque en poursuivant d’une voix atone :
    — Le pauvre trépassa sans m’en dire davantage. Aussi, il me faut assurément disparaître, Foulques, ne serait-ce que pour vous protéger ainsi qu’Héluise. Quant à elle, elle devra feindre l’innocence des agnelles.
    — Non pas. Si vos craintes sont fondées, s’ils sont sur vos traces, vous ne parviendrez jamais jusqu’à la frontière italienne ou espagnole, ni même à embarquer pour le royaume anglais. Les relais de louage de chevaux, les auberges, les routes risquent d’être surveillés et de se transformer en piège mortel. Ils ne sont certes guère nombreux, mais jouissent de tant d’appuis, de complaisances de la part des laïcs de plus ou moins de puissance. Jusqu’à notre bon roi Philippe le Bel*, qui, à l’instar des autres souverains, laisse l’Inquisition prospérer, tant il espère de notre nouveau pape Clément V* dans sa lutte contre l’ordre du Temple* et contre la mémoire de Boniface VIII*. Non, vous dis-je… Le moment ne saurait être pire pour vous mettre en chemin. Terrez-vous quelque temps. Ils vous penseront glissé entre les mailles du filet et relâcheront leur vigilance, vous permettant d’atteindre un havre.
    — Foulques, mon bon Foulques… soupira l’autre, je n’ai plus nulle part où aller. Quant à rejoindre Brévaux, c’est exclu. Mon pire cauchemar est qu’ils s’intéressent de trop près à Héluise.
    L’évêque jeta un long regard au christ peint et ferma les paupières. D’une voix lasse, incertaine, il proposa :
    — Cette petite ferme que je possède non loin de Saint-Aubin-d’Appenai, à cinq lieues d’ici… Oh, certes, il s’agit d’une piètre bâtisse. Toutefois, elle est fort isolée, entourée de bois et de champs, de si peu de mine qu’elle n’intéresse guère le promeneur. Edwige l’occupe depuis de longues années et n’y fut jamais inquiétée… Elle vous cédera volontiers une chambrette.
    Jehan sentit le regret transparaître dans la voix de son ami lorsque celui-ci poursuivit :
    — Vous vous souvenez d’Edwige, n’est-ce pas ?
    — Fort bien, et
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