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A l'écoute du temps

A l'écoute du temps

Titel: A l'écoute du temps
Autoren: Michel David
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son tour et se dirigea vers la porte moustiquaire.
     
    — Tu veilles pas
en avant, à soir? lui demanda-t-elle.
     
    — Non. J'ai pas
envie de jaser avec les voisins.
     
    — Si t'aimes
mieux entendre Dionne avec sa maudite scie ronde toute la soirée, t'en ben
libre, répliqua-t-elle, dépitée.
     
    Pendant que
Laurette débarrassait la table, le magasinier alla s'asseoir à une extrémité du
balcon, le plus loin possible de la poubelle cabossée d'où émanaient certaines
odeurs peu appétissantes en cette chaude soirée du mois d'août. Au loin, le
roulement du tonnerre se fit entendre.
     
    L'air était comme
immobile et le ciel avait pris une teinte plombée des plus inquiétantes. Le
bruit strident de la scie ronde de Maurice Diomie, au fond de la grande cour,
vint faire contrepoint aux cris excités des enfants en train de s'amuser de
l'autre côté de la clôture.
     
    Gérard se leva,
empoigna la poubelle, dont l'odeur l'indisposait, et alla la déposer à
l'extrémité de la cour, près du mur du hangar.
     
    — P'pa, si m'man
me cherche, vous lui direz que je suis ici, annonça la voix de Carole, assise
sur les marches de l'escalier arrière de la maison voisine, en compagnie de
Mireille Bélanger.
     
    — C'est correct,
se contenta-t-il de dire à sa cadette.
     
    Le père de
famille revint prendre place dans sa vieille chaise berçante sur le balcon. Il
s'alluma avec un plaisir évident une cigarette, dont il aspira profondément la
fumée. Il n'en fumait que quelques-unes par jour, mais il 33 prenait le temps
de les savourer. Pendant un moment, il se demanda si Laurette allait venir le
rejoindre pour veiller avec lui sur le balcon. Il n'y tenait pas particulièrement.
Il avait envie d'être seul. D'ailleurs, il savait depuis longtemps qu'elle
préférait se bercer sur le trottoir, devant la porte de l'appartement, pour
épier ce qui se passait autour d'elle.
     
    Elle aimait
l'animation qui régnait sur les rues Emmett et Archambault et ne détestait pas
discuter à tue-tête avec des voisins demeurant même de l'autre côté de la rue.
Tant mieux pour elle.
     
    Pour sa part,
Gérard Morin ne s'était jamais vraiment habitué au comportement tapageur de sa
femme. Sa manie de s'exprimer haut et fort en public et de s'adresser aux gens
avec un sans-gêne extraordinaire l'horripilait. Cette tenue «peuple», comme le
disait sa mère, avait le don de le faire grincer des dents.
     
    Dans le passé, a
la moindre remarque à ce sujet, Laurette se rebiffait et rétorquait
invariablement: «Vous autres, les Morin, vous êtes juste des frais chiés.»
Comme rien ne semblait pouvoir modifier le comportement de sa femme, Gérard
avait fini par baisser les bras... mais pas sa mère. À ce rappel de la vieille
dame un peu collet monté qui l'avait éduqué, il ne put s'empêcher de sourire.
     
    Lucille Bouchard
était une véritable musicienne dans l'âme. Sa passion pour la musique l'avait
poussée à devenir une excellente organiste et peut-être incitée à considérer
d'un oeil favorable la demande en mariage de Conrad Morin, accordeur chez
Casavant. Ces deux jeunes gens, originaires de Saint-Hyacinthe, s'étaient
épousés au début du siècle et avaient toujours vécu dans cette petite
municipalité un peu provinciale. Ils y avaient élevé dignement leurs deux
enfants, Gérard et Colombe, qu'ils avaient eu 34 LA FAMILLE MORIN sur le tard.
Chez les Morin, on n'était peut-être pas riches, mais on tenait aux belles
manières et on savait se tenir. On était heureux de jouir du confort que le
maigre salaire du père pouvait procurer à sa famille. Malheureusement, tout
changea lorsque se produisit la grande Dépression de 1929, qui n'épargna pas la
petite ville mascoutaine.
     
    Gérard, âgé alors
de dix-neuf ans, perdit son emploi de magasinier dans une petite compagnie. Il
avait eu beau en chercher un autre durant plusieurs mois, il n'en avait trouvé
aucun. Découragé, le jeune homme avait décidé de s'expatrier à Montréal dans
l'espoir d'en dénicher un dans la métropole. La chance lui avait souri. Cet
été-là, il avait trouvé un emploi de magasinier à la Dominion Rubber de la rue
Notre-Dame et aussi la jeune fille qui allait devenir sa femme et la mère de
ses enfants La porte de la cour s'ouvrit avec fracas, faisant sursauter Gérard,
tiré brutalement de ses souvenirs. Richard et son ami, André Lévesque,
apparurent au moment où un autre roulement de tonnerre se faisait
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