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A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?

A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?

Titel: A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?
Autoren: Isabelle Juppé
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ministre « sur un étage en soubassement contenant les cuisines, offices et entrée des caves ».
    Le rez-de-chaussée réintégra donc aussi vite sa place et nos esprits.
    Ce premier vendredi, toutes ces considérations me passaient bien au-dessus de la tête et c'est d'un pas mal assuré que je déambulais
dans un dédale dont je connais aujourd'hui presque chaque recoin : le salon du Congrès baptisé ainsi à cause du Congrès de Paris en 1856 qui mit fin à la guerre de Crimée, mais qui s'était réuni en fait dans le salon d'à côté, celui des Ambassadeurs. Ce dernier accueille aujourd'hui les ministres ou ambassadeurs étrangers ; en attendant d'être reçus par le ministre, ils peuvent contempler, dans une vitrine, de rares traités de paix exposés par le service des archives, qui les choisit dans la mesure du possible en fonction de la nationalité des visiteurs. Dans le salon de l'Horloge ensuite, ex-salon de l'Empereur, se tiennent toujours les grandes réunions ou réceptions. Tout comme dans la galerie de la Paix dont les fenêtres s'ouvrent sur le jardin. Au fond s'étire la grande salle à manger qui abrita maint dîner officiel, et dont le vaste tapis en camaïeu bleu, si ma mémoire est bonne, avait été posé juste avant notre arrivée. Dans le rond bureau du ministre enfin, ex-salon de la Rotonde, dont les portes-fenêtres en demi-cercle ont un accès direct au jardin, je serais la seule — privilège conjugal — à pouvoir pénétrer sans frapper ou presque, à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit pour surprendre son locataire. Sauf lorsque, dans le
secrétariat attenant (qui était jusqu'en 1989 le bureau du ministre), la petite lumière rouge — étrange tabernacle — est allumée qui signale qu'un visiteur important s'entretient avec le ministre.

    La galerie de la Paix et le secrétariat ont une vue imprenable sur le jardin, mais la grande salle à manger et le bureau du ministre ont l'avantage d'ouvrir sur le parc.
    Sous la belle pelouse du jardin, recroquevillés ni vus ni connus, vivent, me dit-on, les services du chiffre... Mot mystérieux qui m'évoque des labyrinthes souterrains, des salles obscures peuplées de personnages à la James Bond non moins mystérieux, penchés sur des machines clignotant dans la nuit... Je ne suis pas encore allée voir ce qui s'y passe réellement, de crainte sans doute d'être déçue par la banalité des lieux. Mais le vocabulaire lui-même du Quai d'Orsay — « chiffre », « télégrammes », « dépêches », « agents », « attachés », « valise »... — a gardé toute sa magie.
    Pour monter à l'étage, le seul escalier apparent est l'escalier d'honneur. Imposant, recouvert comme il se doit d'un tapis rouge et bordé d'une rampe ouvragée, il s'arrête à un
palier intermédiaire, celui de l'entresol, qui conduit à d'autres bureaux. Il en existe bien d'autres (au moins sept si j'en juge par les numéros aperçus au pied de certains d'entre eux) plus étroits et plus humbles, dissimulés derrière des portes ou au fond de couloirs biscornus. Cette première fois, j'empruntai l'escalier d'honneur que je n'ai presque jamais repris dans ce sens-là depuis, me contentant de le descendre de temps en temps pour raccompagner des visiteurs. La plupart du temps, j'utilise l'escalier dérobé qui relie le secrétariat particulier à l'appartement, ou, parfois, le petit ascenseur qui se trouve juste à gauche en arrivant.
    Au premier étage, qui est en fait déjà le quatrième niveau si l'on compte celui des cuisines, celui du rez-de-chaussée et celui de l'entresol, jaillit une enfilade de pièces, les unes donnant sur la Seine, les autres sur le jardin. Les premières sont une suite de cinq salons de tailles diverses coincés entre une petite antichambre dans laquelle débouchent les visiteurs montés par l'ascenseur, et la « salle à manger du Quai » dans laquelle sont donnés des déjeuners ou des dîners d'une quarantaine de personnes. Les secondes constituaient à l'origine les appartements privés du
ministre avant d'accueillir, dès le début du siècle dernier, les visiteurs de marque, rois, chefs d'Etat ou de gouvernement. Depuis 1976 et le rachat à la famille Rothschild de l'hôtel Marigny, à deux pas de l'Elysée, aucune altesse étrangère n'est venue poser sa tête couronnée sur les oreillers délicatement brodés des chambres du Roi et de la Reine, lesquelles étaient redécorées et personnalisées à chaque visite de
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