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4 000 ans de mystifications historiques

4 000 ans de mystifications historiques

Titel: 4 000 ans de mystifications historiques
Autoren: Gérald Messadié
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jeune protodémocratie athénienne. Tous trois avaient été des intimes de Socrate. Bien sûr, celui-ci ne leur avait enseigné ni la cruauté ni la tyrannie, mais enfin, son enseignement devait avoir comporté quelque élément subversif.
    La mise en jugement du philosophe ne découlait donc ni de la hargne de quelques citoyens bornés, ni du besoin de trouver un bouc émissaire, comme l’ont prétendu certains auteurs modernes, mais de soupçons justifiés. Il eût certes pu se défendre plus habilement qu’en rétorquant à ses juges : « Comment, vous me convoquez ici alors que je devrais être au Prytanée ? » (C’est-à-dire nourri et logé aux frais de la cité.) Il est vraisemblable qu’il ait accepté la sentence de mort parce que la trahison d’Alcibiade lui avait brisé le cœur. Même s’il n’avait pas le privilège d’être citoyen d’Athènes, cette ville était chère à son cœur. Il était vieux, il préféra la mort.
    L’Aréopage est donc passé dans les siècles pour une sorte de tribunal populaire, plus soucieux de vindicte que de justice. Or cette accusation est insoutenable : cette cour était composée des hommes les plus instruits de la ville, et on les voit mal cédant à une haine soudaine pour le sage distingué quelques années plus tôt par l’oracle d’Apollon.
    *
    L’historien contemporain s’interrogera alors sur les éléments pervers éventuels de l’enseignement de Socrate : vaste et hasardeuse entreprise, car Socrate n’a rien rédigé et l’on ne connaît cet enseignement que par les écrits de Xénophon et surtout de Platon, son disciple le plus fidèle. De plus, l’admiration que lui ont portée Jean-Jacques Rousseau, Emmanuel Kant ou Friedrich Hegel interdirait presque une analyse aussi audacieuse. Un indice toutefois retient l’attention : Socrate n’était pas unanimement respecté à Athènes, comme la révérence posthume tend à le faire croire ; en témoigne le personnage ridicule et même nocif que l’auteur satirique Aristophane campe de lui dans trois de ses comédies, Les Nuées , Les Oiseaux et Les Guêpes  : celui d’un phraseur délirant qui égare la jeunesse. Et l’on retrouve là un préjugé courant à Athènes contre les philosophes, dits « sophistes » : leurs idées creuses étourdissent la jeunesse, la détournent du gymnase et sont finalement contraires à l’intérêt de la cité.
    On recoupe ici l’accusation de corruption de la jeunesse. Le succès des comédies d’Aristophane révèle la méfiance d’une partie au moins de la population athénienne à l’égard de Socrate.
    Le soupçon peut être précisé : dans un passage du Minos de Platon, Socrate explique que seuls peuvent gouverner ceux qui possèdent le « savoir », lequel est conféré par le ciel et qu’un homme du commun ne peut revendiquer, même s’il est vertueux. Or, c’étaient là des propos fondamentalement antidémocratiques : ils renforçaient la cause des oligarques, aristocrates héréditaires, qui mirent à deux reprises la république en péril. Ils confirment que l’influence intellectuelle de Socrate encouragea les Oligarques dans leurs coups d’État.
    D’ailleurs, l’hostilité à la démocratie de Platon, le plus proche des disciples de Socrate, est bien connue : il fulmina contre le partage des richesses d’Athènes avec les pauvres et contre les hommes qui, comme Périclès, « régalent les Athéniens et leur servent tout ce qu’ils désirent », les rendant ainsi « paresseux, lâches, bavards et avides d’argent ». La démocratie économique était sa bête noire. Après avoir assisté au procès de son maître, il alla se mettre au service du tyran Denys de Syracuse.
    Enfin, concernant l’accusation contre Socrate d’honorer des dieux étrangers, on peut formuler l’hypothèse que les Athéniens se référaient aux évocations que le philosophe avait faites de son daimon , dont les commandements étaient plus forts que ceux de la religion.
    Mais un point est sûr : les Athéniens avaient eu de bonnes raisons de soupçonner Socrate. Il eût pu se disculper. Sans doute était-il las de la vie.
    *
    Par un paradoxal incident, le procès de Socrate justifie les pages que voici et au moins une partie de l’enseignement de ce philosophe.
    Le philosophe avait mis en garde ses auditeurs contre les professeurs et toute personne investie de l’autorité d’informer la vérité. La méthode socratique, la
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