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22 novembre 1963

22 novembre 1963

Titel: 22 novembre 1963
Autoren: Adam Braver
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par serment d’être bon avec tous ces hommes qui sont ici. Ils sont tous témoins. »
    Puis il se releva et demanda son manteau.
    Sur son gros cheval gris à crinière coupée court il traversa le pré et le village, suivi de son vieil écuyer Guiot-Thierri, qu’il aimait en souvenir de son ami, l’écuyer de sa jeunesse, tombé en Terre Sainte. Et toute une foule de valets, de femmes, de vassaux, le suivait, emboîtant le pas au cheval, tenant les étriers, les pans de la veste, les souliers du maître. Le vent froid soufflait, emportant les dernières feuilles brunes, les champs étaient gris et la forêt noire ; les branches des arbres craquaient sous le vent et le vol des corbeaux était brisé par les rafales. Le vieil homme se serrait dans sa cape brune, et le vent découvrait sa tête rasée d’homme pauvre, et emplissait de poussière son gros œil clignotant. Devant la croix de fer il s’arrêta, baissa la tête et se signa ; puis il dit adieu à ceux qui l’accompagnaient et leur dit de retourner à la maison.
    Les deux cavaliers longèrent la forêt, et se perdirent dans les branches secouées par le vent. Dans le ciel de longs nuages gris foncé couraient sur d’autres nuages gris jaune.
    Et le vieux emportait une épine dans sa chair, car il avait une fille à lui, née de la demoiselle qui l’avait aimé, une fille un peu folle de son corps et comme innocente, à laquelle il n’avait pas eu le courage de dire adieu. Il l’avait envoyée pour quelque temps dans un couvent où il avait une fille religieuse.
    Par tout le pays on connaissait la demoiselle brune qui courait les haies de noisetiers et les sentes herbeuses avec de beaux garçons ; et personne n’était assez dur pour la mépriser, parce qu’on savait que son père l’aimait.
UN AMOUR AMER
    Au mois de mai, à la Mi-Carême, les eaux douces coulaient autour de Puiseaux ; et dans les prés encore noirs, les gars et les filles du village faisaient des rondes, avec des branches bourgeonnantes d’orme et de bouleau dans les mains. La brise était déjà douce et, au château, les demoiselles, assises sur la margelle du puits, secouaient leurs lourds cheveux défaits. Le château de Puiseaux possédait le plus beau puits des alentours, l’eau y était si fraîche et si pure qu’elle passait pour enchantée, et ce n’était pas pour rien que depuis des générations, les dames de Puiseaux passaient pour un peu sorcières : telle la dame Hermengarda, mère de feu le baron Joceran, et la dame Hodierne, de sainte mémoire, et la dame Irma, tuée dans l’arrière-cour du château à coups de hache, et la dame Brune, épouse du maître d’à présent. Les femmes de Chaource et même de Saint-Florentin venaient demander aide et conseil à la dame de Puiseaux. La fée de Puiseaux, disait-on, dotait de sa puissance la maîtresse du lieu. Et les gens du château préféraient leur puits à la fontaine de Sainte-Anne en forêt.
    C’était un grand puits carré, abrité par un orme ; deux arceaux de fer se croisaient au-dessus, réunis et protégés par une croix. Au printemps, les jeunes filles paraient les arceaux de fleurs de pommier et d’églantier. Ce soir-là, dans le ciel plus clair qu’une aile de pigeon, des nuages blancs se traînaient au-dessus d’une forêt grise, et la route était comme un lacet blanc entre les prés vert acide et les champs noirs.
    Le guetteur sur toit regardait deux cavaliers avancer sur la route, faucons en main, et, en les voyant prendre le tournant vers Puiseaux, il sonna de la trompette. Les jeunes valets qui s’exerçaient au tir à l’arc grimpèrent sur le mur pour voir. Le gardien de la porte cria : « Un cavalier sur le pré ! « Les deux demoiselles du château, Ida et Mainsant, échangèrent un regard rapide. « Tu vas voir », dit Mainsant. « Tu es bête », dit Ida. Leurs robes de lin bleu clair étaient toutes chiffonnées et leurs visages rouges de rire sous des cheveux flous pendant en mèches.
    À ce moment le cavalier au faucon entra dans la cour ; c’était un jeune homme blond et bien bâti, vêtu d’un habit rouge brun qui lui descendait jusqu’aux genoux. Il sauta à bas de cheval et salua la dame du château en pliant le genou, le faucon bien droit sur son poing gauche.
    « Dieu vous sauve, Ernaut, dit la dame. Mon seigneur est dans la salle. Vous pouvez monter, » Le jeune homme soupira et se dirigea vers la grande maison : en passant près des deux
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