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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi
Autoren: Jean-Michel Riou
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servir ? Menaçait-il le visiteur ? Ce dernier l’avait-il lui même agressé ? Même les chiens n’avaient pas bronché. Et il fut admis que le marquis, submergé par le chagrin, avait fini par s’égarer dans la folie. Allons ! Dix jours qu’il refusait d’ouvrir. Dix jours qu’on l’entendait marmonner à travers la porte close. Dix jours qu’il rôdait la nuit dans le vestibule, sortant après s’être assuré qu’il ne croiserait personne, allant jusqu’à la chambre de sa fille, tambourinant pour qu’elle ouvre et elle, refusant par crainte d’affronter l’âme tourmentée d’un père méconnaissable. On l’entendait, racontaient maintenant les serviteurs, rôdant ici et là, débitant des paroles incompréhensibles, escamotant en cuisine de la viande pour ses chiens et s’en retournant dans son antre.
    Qu’en pensait son confesseur ? Les têtes se tournèrent vers Marolles. L’opinion était si générale, si partagée qu’il s’y rangea. De fait, bredouilla le jésuite à contrecœur, il n’avait pu le voir depuis l’enterrement de François, son fils aîné. Quand il se présentait, espérant un entretien, le marquis le renvoyait, jurant à travers la porte que Dieu n’existait pas ! Qu’il se vengerait ! Et toutes sortes de blasphèmes prouvant que la foi l’avait abandonné. On se signa. L’affaire était entendue. Le témoignage du prêtre achevait de gracier le jeune homme qu’il présenta lui-même comme son… filleul.
    Personne ne nota que son opinion venait tardivement et parce qu’il n’y avait aucun moyen d’accuser Delaforge du meurtre du marquis. En prenant ainsi parti, Marolles espérait amadouer ce possédé et lui prouver qu’il était de son côté. Mais dans un instant, il serait libre, et tout recommencerait. Que déciderait-il à propos de son père ? La lâcheté le persuada qu’il ne devait pas attendre la réponse. Aussi, alors que tout se délitait, que le groupe relâchait la pression qui pesait sur l’accusé, le confesseur s’éclipsa-t-il, prétextant qu’il fallait une croix afin de bénir le mort. Delaforge le regarda partir sans s’inquiéter. Il le retrouverait. Pour parfaire le rôle de l’innocent pris dans une tornade à laquelle il était étranger, il jugea utile de faire illusion en se préoccupant de la bienfaitrice qui l’avait sorti d’un mauvais pas.
    Aurore reposait dans un fauteuil, entourée d’une servante qui s’écarta quand il s’approcha pour lui parler. La jeune fille était muette, le visage exsangue, les yeux rivés sur son père que l’on couvrait d’une couverture. Il tira un fauteuil, vint près d’elle. Ils restèrent silencieux un moment, jusqu’à ce que Toussaint, plus effronté que jamais, tente de saisir sa main, le plus étonnant étant qu’elle ne la retira pas.
    — Aurore, crois-moi, glissa Delaforge de sa voix la plus douce. Pour ton père, je suis…
    Il s’arrêta. Elle redressa la tête et se tourna vers lui.
    C’était toujours la même, gracieuse, sauvage, à peine changée, à peine vieillie. Sa longue chevelure retombait sur les épaules. C’était une boule de feu couleur bronze d’où émergeaient des yeux immenses emprisonnant le bleu céruléen d’un saphir. Sur ce visage d’opale, un peintre avait semé ça et là d’émouvantes touches de rousseur – au creux des paupières, non loin de la commissure des lèvres et, pour achever son œuvre, sur le vallon des seins, nichés dans le décolleté d’une robe…
    Celle qu’elle portait aujourd’hui était noire.
    Le charme agissait encore, comme au temps de l’enfance. Il lui revint ce jour de ses seize ans où il s’était présenté ici, plein d’espoir et le cœur bringuebalé par le plaisir de la revoir. Ce jour-là également, il avait tenté sans succès de s’approcher d’elle.
    Tout doux, se dit Toussaint. Il fallait d’abord être certain qu’elle ne doutait pas de sa sincérité.
    — J’étais venu…, fit-il mine d’hésiter. Je n’ai jamais oublié… ma première famille. Enfin, je croyais bien de vous soutenir, bredouilla-t-il. Et puis voilà…
    Oui, voilà le mobile qui expliquait sa présence et, dans les yeux d’Aurore, il ne voyait toujours que le chagrin et l’innocence. Maintenant, il fallait effacer de son esprit l’hypothèse d’une dispute.
    — Allait-il s’en prendre à moi ? Et dans ce cas, pourquoi ? Tu le sais, toi ?
    Elle ne répondit toujours rien.
    Restait à s’assurer qu’elle
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