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Traité du Gouvernement civil

Traité du Gouvernement civil

Titel: Traité du Gouvernement civil
Autoren: John LOCKE
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d'abord recours, à peu près comme font aujourd'hui les Américains, sont généralement de peu de durée; et si elles ne sont pas consumées, dans un certain temps, par l'usage auquel elles sont destinées, elles diminuent et se corrompent bientôt d'elles-mêmes. L'or, l'argent, les diamants, sont des choses sur lesquelles la fantaisie ou le consentement des hommes, plutôt qu'un usage réel, et la nécessité de soutenir et conserver sa vie, a mis de la valeur  [3] . Or, pour ce qui regarde celles dont la nature nous pourvoit en commun pour notre subsistance, chacun y a droit, ainsi qu'il a été dit, sur une aussi grande quantité qu'il en peut consumer pour son usage et pour ses besoins, et il acquiert une propriété légitime au regard de tout ce qui est un effet et une production de son travail : tout ce à quoi il applique ses soins et son industrie, pour le tirer hors de l'état où la nature l'a mis, devient, sans difficulté, son bien propre. En ce cas, un homme qui amasse ou cueille cent boisseaux de glands, ou de pommes, a, par cette action, un droit de pro­priété sur ces fruits-là, aussitôt qu'il les a cueillis et amassés. Ce à quoi seulement il est obligé, c'est de prendre garde de s'en servir avant qu'ils se corrompent et se gâtent : car autrement ce serait une marque certaine qu'il en aurait pris plus que sa part, et qu'il aurait dérobé celle d'un autre. Et, certes, ce serait une grande folie, aussi bien qu'une grande malhonnêteté, de ramasser plus de fruits qu'on n'en a besoin et qu'on n'en peut manger. Que si cet homme, dont nous parlons, a pris, à la vérité, plus de fruits et de provisions qu'il n'en fallait pour lui seul; mais qu'il en ait donné une partie à quelque autre personne, en sorte que cette partie ne se soit pas pourrie, mais ait été employée à l'usage ordinaire; on doit alors le considérer comme ayant fait de tout un légitime usage. Aussi, s'il troque des prunes, par exemple, qui ne manque­raient point de se pourrir en une semaine, avec des noix qui sont capables de se con­ser­ver, et seront propres pour sa nourriture durant toute une année, il ne fait nul tort à qui que ce soit : et tandis que rien ne périt et ne se corrompt entre ses mains, faute d'être employé à l'usage et aux nécessités ordinaires, il ne doit point être regardé comme désolant l'héritage commun, pervertissant le bien d'autrui, prenant avec la sienne la portion d'un autre. D'ailleurs, s'il veut donner ses noix pour une pièce de métal qui lui plait, ou échanger sa brebis pour des coquilles, ou sa laine pour des pierres brillantes, pour un diamant; il n'envahit point le droit d'autrui : il peut ramas­ser, autant qu'il veut, de ces sortes de choses durables; l'excès d'une propriété ne consistant point dans l'étendue d'une possession, mais dans la pourriture et dans l'inutilité des fruits qui en proviennent.
     
    47. Or, nous voilà parvenus à l'usage de l'argent monnayé, c'est-à-dire, à une chose durable, que l'on peut garder longtemps, sans craindre qu'elle se gâte et se pour­risse; qui a été établie par le consentement mutuel des hommes ; et que l'on peut échanger pour d'autres choses nécessaires et utiles à la vie, mais qui se corrompent en peu de temps.
     
    48. Et comme les différents degrés d'industrie donnent aux hommes, à proportion, la propriété de différentes possessions; aussi l'invention de l'argent monnayé leur a fourni l'occasion de pousser plus loin, d'étendre davantage leurs héritages et leurs biens particuliers. Car supposons une île qui ne puisse entretenir aucune correspon­dance et aucun commerce avec le reste du monde, dans laquelle se trouve seulement une centaine de familles, où il y ait des moutons, des chevaux, des bœufs, des vaches, d'autres animaux utiles, des fruits sains, du blé, d'autres choses capables de nourrir cent mille fois autant de personnes qu'il y en a dans l'île; mais que, soit parce que tout y est commun, soit parce que tout y est sujet à la pourriture, il n'y a rien qui puisse tenir lieu d'argent : quelle raison peut obliger une personne d'étendre sa possession au-delà des besoins de sa famille, et de l'abondance dont il peut jouir, soit en se servant de ce qui est une production précise de son travail, ou en troquant quelqu'une de ces productions utiles et commodes, mais périssables, pour d'autres à peu près de la même nature? Où il n'y a point de choses durables, rares, et d'un prix assez
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