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Toulouse-Lautrec en rit encore

Toulouse-Lautrec en rit encore

Titel: Toulouse-Lautrec en rit encore
Autoren: Jean-Pierre Alaux
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d’abord Laurent Mathieu, le maire de la ville, qui trouvait que cette affaire était « une mauvaise publicité pour Albi », puis le sénateur du coin à l’accent rocailleux, enfin Maurice Charbonnières, photographe et correspondant de presse, ami personnel du conservateur, venu à la pêche aux informations. Denise Combarieu avait beau filtrer les appels, ces interlocuteurs se prétendaient influents et voulaient avoir Dorléac « personnellement ».
    Pendant ce temps, Cantarel s’était échappé de son fauteuil Louis XIII pour contempler les eaux du Tarn. Terreuses, tourbillonnantes et sombres, elles n’avaient rien de très engageant. Du reste, rien n’était clair dans ce pays, pas même le ciel qui, du bleu outrancier du matin, était en train de virer à l’anthracite.
    Séraphin en profita pour examiner la maquette du catalogue de l’exposition Monet à Albi qui devait être mis sous presse sans délai chez Attinger à Neuchâtel. L’imprimeur suisse la réclamait avec insistance depuis plusieurs jours, mais Dorléac voulait relire, une dernière fois, les textes. Comme tout homme de plume, il n’était jamais satisfait de ses écrits…
    Soudain, on tambourina énergiquement à la porte.
    — Entrez ! dit Séraphin alors que Dorléac était toujours suspendu au téléphone.
    Surgit alors dans la pièce Fernand Coustot, une Gitane pendue à la lippe.
    — Puis-je utiliser votre ligne ? J’ai besoin de renfort.
    — Que se passe-t-il ? demanda Cantarel, inquiet de la précipitation du commissaire toulousain qui paraissait aussi essoufflé qu’excité.
    Alertée par le chahut du commissaire dont la voix portait haut, Denise Combarieu tendait, immobile, une oreille d’épervier aux aguets.
    — On vient de découvrir le corps de René Labatut suspendu à une corde dans les réserves du musée.
    — Pendu ? insista Dorléac, incrédule.
    — Oui, pendu ! confirma Coustot.
    La dévouée secrétaire laissa échapper un « Oh, mon Dieu ! » qui exprimait la surprise générale.
    — Ce malheureux M. Labatut, le plus honnête homme qui soit ! souligna la vieille fille effondrée.
    — Et sa femme ? demanda Jean Dorléac.
    — Elle n’est pas encore au courant ! précisa le policier en s’emparant du combiné téléphonique.
    « Vous permettez ?…
    Dans un épais silence, chacun resta suspendu au bruit du cadran téléphonique manié par l’index boudiné de Coustot.
    — Coustot à l’appareil ! Envoyez-moi Terrancle et Delmas en renfort. L’affaire se corse, il y a déjà un cadavre dans le placard. On vient de retrouver le concierge du musée pendu dans les caves… Prévenez le médecin légiste de service. Grouillez-vous, les gars !…
    Le commissaire Coustot raccrocha sans autre forme de politesse.
    — Le musée doit rester fermé jusqu’à nouvel ordre ! Je préférerais que cette décision soit signée de votre main, monsieur Cantarel, ajouta-t-il.
    — La décision appartient à l’autorité de tutelle. J’appelle le directeur de cabinet de Michel Guy 1 , commissaire !
    — Dites aussi au ministre que les services d’Interpol viennent d’être prévenus du vol des deux œuvres.
    Une nouvelle fois, Dorléac extirpa de son pantalon de flanelle un mouchoir de coton avec lequel il s’épongea le front. Voilà qu’à présent il devait jouer auprès de Mme Labatut l’oiseau de mauvais augure, c’était au-dessus de ses forces.
    Le temps virait à la pluie. Un escadron de nuages noirs, porteurs de giboulées, assombrissait l’horizon et plus encore le bureau résolument sinistre du conservateur.
    — Décidément, la guigne me poursuit ! marmonna Jean Dorléac en se penchant à la fenêtre.
    Déjà la marquise de la loge du concierge résonnait des premiers grêlons.
    1 - Michel Guy fut secrétaire d’État à la Culture dans le premier gouvernement Chirac (1974-1976) sous la présidence de Georges Pompidou. ( N.d.A. )

2
    La DS bleu nuit de Dorléac s’immobilisa devant la gare d’Albi-Ville. Pour un peu, Cantarel aurait manqué l’arrivée de Théo sur le quai. Il n’était pas très loin de minuit et la soirée avait été plutôt agitée. Le gardien Paul Dupuy ne s’était pas présenté au service de nuit, ce qui n’était pas dans ses habitudes, lui dont la ponctualité était aussi légendaire que sa surdité. Il avait donc fallu le remplacer au pied levé par un employé de la mairie, un dénommé Lazaret qui avait dû endosser
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