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Remède pour un charlatan

Remède pour un charlatan

Titel: Remède pour un charlatan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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sort et de l’accuser de la mort d’Aaron. Tant que vous ne l’aurez pas fait, il ne reposera pas en paix dans sa tombe. Il continuera de marcher la nuit, comme ces deux dernières semaines. Et je ne veux pas vivre avec ça.
    Mêlée à la puissante odeur du pain qui cuit, Isaac perçut une violente bouffée de peur et de répugnance.
    — Je vais voir ce que je peux faire, Mossé. Je ne puis rien vous promettre de plus. Mais je crois entendre Raquel revenir.
    — Et mon fils avec elle. C’est un bon garçon, vous savez. Il héritera d’une belle affaire.
    Puis il cria au mitron, qui s’était endormi dans un coin de la pièce, de s’occuper du feu et de manier hardiment le soufflet. Ensuite il consacra toute son attention à la prochaine fournée.
    Daniel les raccompagna à la porte de l’échoppe.
    — Dites-moi, Daniel, demanda Isaac, qui étaient les amis d’Aaron ?
    Il y eut un silence, un silence pesant.
    — Ce n’est pas à moi qu’il faut le demander, répondit Daniel. Nous nous sommes vus à plusieurs reprises au cours de ces quinze derniers jours, mais je vis chez l’oncle Ephraïm et la tante Dolsa. Je passe de longues heures au travail et suis plus familier de leurs visiteurs que de ceux de mon pauvre frère. Maman le saurait, ou la servante. Pas papa, ajouta-t-il avec amertume, à moins que le visiteur n’ait acheté son pain quand il venait voir Aaron. Je dois retourner auprès de mes parents, conclut-il brusquement. Bonne journée à vous, maître Isaac.
    Isaac attendit que le bruit de ses pas se fût éteint, puis il se mit lentement en marche dans la rue pavée.
    — Tu as parlé à la servante ?
    — Oui, papa, dit Raquel. Elle m’a raconté que depuis qu’on l’a engagée, Aaron sortait pratiquement toutes les nuits et rentrait souvent ivre de vin. À plusieurs reprises, elle a dû le mettre au lit et le nettoyer après qu’il se fut souillé. Parfois, il la remerciait d’une pièce. Mais elle ne sait nullement avec qui il buvait, ni où il allait. Sauf qu’il passait par la boutique, pas par la maison, et il oubliait quelquefois de fermer la porte à clef en rentrant. Chaque matin, avant le lever du maître, elle descendait à la boutique pour s’assurer qu’il la trouve bien verrouillée.
    — Elle semble être la seule personne à savoir quelque chose à son propos.
    — Elle en sait certainement plus que sa famille, acquiesça sa fille.
     
    Vingt ou trente personnes suivaient le char à bœuf qui emmenait le corps d’Aaron au cimetière. Daniel, avec ses robustes jambes, grimpait aisément la pente à côté du char. Quand, des années plus tard, reposant entre les bras de sa femme, il en parla pour la première fois, le caractère irréel, cauchemardesque et terrifiant de cet événement le hantait encore. Le monde était silencieux à l’exception du craquement du char et du balancement de la queue du bœuf. Le soleil brillait dans un ciel clair, et personne ne parlait, comme si la chaleur les avait tous rendus muets. En marchant, ils foulaient l’herbe odorante et les plantes sauvages, et l’odeur de la végétation les baignait, amenant avec elle mouches et moucherons qui venaient tourmenter pareillement les hommes et le bœuf. Quand ils arrivèrent au cimetière, seul le bœuf semblait avoir conservé sa volonté propre. Il se dirigea vers l’ombre d’un arbre et s’y arrêta. Le silence engloutissait les prières qui s’élevaient des gorges desséchées du cortège funèbre, pour ne laisser qu’un murmure absurde pareil au bourdonnement des abeilles. Quand la terre eut enfin comblé la tombe d’Aaron, chacun se hâta poliment vers la fontaine pour se laver les mains, s’excusant, bavardant ou offrant ses condoléances. Le sortilège était rompu. Les membres du convoi se tournèrent vers la ville pour retrouver, un peu trop précipitamment peut-être, des logis frais, des boissons et des mets revigorants, et de la compagnie.
     
    Trois jours plus tard, Isaac reçut un appel urgent de la part de Berenguer de Cruilles, l’évêque de Gérone dont il était le médecin personnel. En temps ordinaire, c’était le moins pesant de ses devoirs. Berenguer était un homme d’âge mûr, robuste, actif et sain, qui chassait la maladie comme d’autres les mouches.
    Mais pas aujourd’hui.
    — Isaac, mon ami, dit l’évêque dès que le médecin fut entré dans son cabinet. Je me sens mal. Quelque chose – la chaleur ou un surcroît de travail –

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