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Mademoiselle

Mademoiselle

Titel: Mademoiselle
Autoren: Jacqueline Duchêne
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monter et le descendre sans se rencontrer jamais. La petite l'ignorait. Alors, elle courait, elle courait pour retrouver son père... Quelle angoisse, et puis quelle joie à tomber finalement dans ses bras !
    Collée à sa fenêtre, Anne-Louise en frissonnait encore. Elle revivait ces heures plaisantes, son émotion joyeuse à découvrir son père. Elle revivait aussi sa déconvenue récente, remâchait sa rancœur contre Richelieu. Était-ce donc si mal d'admirer son cousin, de rêver d'en faire son mari ? L'envie lui venait de raconter son jeune passé. Mais comment le raconter ? À qui ?
    Elle sursauta quand Mme de Saint-Georges entra, avenante comme toujours :
    — Mademoiselle, il ne faut pas rester seule, sans rien faire. Ce n'est pas bon. Nous allons nous occuper de votre trousseau de jeune fille. Douze lingères attendent vos ordres.

2
    La femme de son père
    Plus de quatre ans avaient passé. Au pied du château de Meudon, Anne-Louise attendait, la rage au cœur, la nouvelle femme de son père. Elle sortait de l'ombre, cette Marguerite, la sœur du duc de Lorraine, que Gaston avait rencontrée pendant son exil et épousée secrètement à Nancy.
    Louis XIII, furieux de ce mariage à la sauvette conclu par son frère (un fils de France !), ne l'avait reconnu que tout récemment, sur son lit de mort. Encore avait-il exigé que l'union bénie en Lorraine, puis bénie à nouveau à Bruxelles, par précaution, fût confirmée par une nouvelle bénédiction de l'archevêque de Paris. On se réunissait donc à Meudon pour régulariser la situation. Anne-Louise allait enfin connaître sa belle-mère.
    D'avance, elle la détestait, cette Lorraine, cette étrangère qui, dans quelques minutes, deviendrait pour le monde entier l'épouse déclarée de Gaston duc d'Orléans,l'oncle du petit roi de cinq ans, cet enfant si puissant et si facile à influencer. Quelle place serait la sienne à la cour ! Anne-Louise en aurait crié de jalousie.
    L'attente se prolongeait. Heureusement, il faisait doux en ce mois de mai. Malgré sa colère, son impatience, malgré le chaperon noir, long et étroit, imposé par le deuil de Louis XIII, la beauté d'Anne-Louise éclatait. Grande, la tête haute, le teint clair, ses cheveux blonds et épais simplement noués sous le capuchon, elle resplendissait. Quelques restes d'enfance, la rondeur des joues, la grâce naturelle de ses gestes masquaient ce que l'on pouvait deviner en elle de trop brusque et de trop impérieux.
    De ses yeux bleus — les beaux yeux hérités de sa mère —, elle se mit à observer Marguerite à sa descente de carrosse. D'emblée, elle la trouva médiocre. Médiocre en tout : taille, maintien, mise, beauté. Et quelle froideur dans leurs retrouvailles, se dit-elle en observant son père et la nouvelle duchesse d'Orléans. Pas croyable.
    Le climat évidemment n'était pas à la joie. Louis XIII avait été inhumé quatre jours auparavant. Tout de même... Après tant de séparations, de frustrations, de rencontres furtives... Depuis onze ans ils s'étaient liés l'un à l'autre, depuis onze ans ils se morfondaient en attendant de voir leur mariage reconnu. L'amour conjugal, était-ce donc cela ?
    Le leur n'avait pourtant pas manqué d'aventures piquantes, ni de ces obstacles qui enflamment les héros et accroissent leur ardeur, comme dans L'Astrée, le roman-fleuve à la mode qu'Anne-Louise dévorait. Après tout, Marguerite ne s'était-elle pas échappée de Nancy pour rejoindre son époux à Bruxelles, déguisée en page et cachée dans le fond d'une charrette de boulanger ? N'avait-elle pas eu les ruses et la constance d'une héroïnede roman à attendre son beau prince ? Que l'amour est chose compliquée ! songea l'adolescente en soupirant.
    Depuis la cour du château, on alla directement à la chapelle rejoindre l'archevêque. Peu de monde autour des mariés, et tous en tenue de deuil, la dame d'honneur de Marguerite, Mlle de Guise, sa parente, quelques personnes de la maison d'Orléans. Atmosphère lugubre, en vérité ! La jeune fille en resta impressionnée.
    Quelques jours plus tard, en visite chez sa tante, Anne-Louise lui fit part de ses sentiments.
    — Quelle tristesse, savez-vous, à cette cérémonie ! Mon père soutenait que cette troisième bénédiction était inutile. Le mariage de Nancy suffisait. Son épouse avait grand-peine à se soumettre aux ordres du roi défunt. C'était évident. Elle en avait les larmes aux yeux. Quel
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