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Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil

Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil

Titel: Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
Autoren: Max Gallo
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à ces soldats qui assiègent la ville de Bellegarde (Seurre). C’est déjà le mois d’avril, mais des pluies d’averse s’abattent sur le camp de l’armée royale. On tire au canon depuis la ville sur le cortège du roi.
    Louis ne tressaille pas.
    Courtisans, officiers, soldats l’observent. Il est un roi de guerre. Les soldats crient « Vive le roi ! » et, depuis les murs de Bellegarde, on répond par le même cri. Le commandant de la place s’excuse d’avoir fait tirer au canon. Il ignorait que le roi fût présent. Il va lui remettre son épée, et avec ses soldats se rallier au roi.
    Louis n’a jamais connu d’émotion et de joie aussi fortes.
    C’est bien la guerre qui couronne de gloire un roi. Il l’avait pressenti, jouant dans les jardins du Palais-Royal, passant ses gardes suisses en revue. Maintenant il l’éprouve, chevauchant au milieu de ses soldats, découvrant aussi les blessés et les infirmes qui, souffreteux et malheureux, suivent l’armée.
    Il est ému mais il ne doit rien montrer de ses sentiments.
    En Guyenne, alors qu’on avance vers Bordeaux, toujours tenu par les rebelles, il côtoie la misère des campagnes, voit ces paysans en guenilles, hâves, n’ayant même plus la force de tendre les mains, tant la faim les épuise.
    Il entre le soir, à l’étape, dans des pièces au sol de terre battue, aux murs fissurés. Il couche sur un lit de camp, et parfois sur une botte de paille. Point de luxe, ici, mais l’austérité, la frugalité et la rudesse de la vie telle que la subissent les populations si diverses, mais partout miséreuses, qui peuplent les provinces du royaume.
    Et certains se rebellent à nouveau, ou résistent à l’armée royale. Bordeaux s’enferme. Le duc de Bouillon, qui commande la ville, fait pendre un capitaine de l’armée royale, en représailles, aux murs de la ville.
    Elle ne capitule pas. Il faut camper sous ses murs, dans la chaleur moite d’août.
    Louis contemple cette ville qui le défie. Il ne peut s’empêcher de laisser voir sa colère. Il pleure.
    — Je ne serai pas toujours un enfant, dit-il, ces coquins de Bordeaux ne me feront pas longtemps la loi, je les châtierai comme ils le méritent.
    Mais il se reproche d’avoir montré son émotion, sa rage, son impuissance aussi. Alors qu’il faut vaincre, car les troupes espagnoles sont entrées dans le royaume et approchent de Reims. Et aussi parce que la misère ronge le royaume comme une peste, semant partout ses ravages.
    Les paysans meurent de faim. Les enfants sont squelettiques. Les épidémies se répandent en même temps que la famine. Des révoltes de désespoir jaillissent ici et là, soulevant les croquants et les va-nu-pieds.
    Il faut négocier pour en finir au plus vite avec cette Fronde des princes, avant que le pays ne soit exsangue. Mazarin s’y emploie comme il l’a fait avec la Fronde des parlementaires. Bordeaux ouvre ses portes.
     
    Louis regarde la foule qui s’est rassemblée pour le voir débarquer sur l’un des quais qui bordent la Garonne. Elle ne manifeste aucun enthousiasme. Elle est grise comme le ciel de ce 1 er  octobre 1650.
    Point de festivités, ou si mesquines qu’elles sont comme une rebuffade.
    Louis a hâte de quitter cette ville, d’en finir avec ces chevauchées d’automne, dans le brouillard ou sous la pluie. Et la misère avec l’humidité et le froid s’en trouve comme aggravée.
    On regagne enfin Paris.
    Mais les rues de la capitale, pleines de réfugiés chassés des provinces de l’Est par l’avance des troupes espagnoles, sont aussi misérables que les campagnes et leurs affamés.
    Et les pièces du Palais-Royal sont glacées. La reine est malade.
    Louis s’agenouille et prie, pour elle, pour le royaume, pour lui.
     

7.
     
    Louis ne veut plus être un enfant.
    Il regarde s’approcher, dans la pénombre d’un des salons des appartements de sa mère, Mme de Beauvais, cette dame d’honneur d’Anne d’Autriche, au regard insistant, aux mains qui si souvent l’ont frôlé, aux gestes et aux soupirs équivoques.
    Elle avance, l’obscurité voile ses traits, les rides de sa quarantaine. Il oublie qu’elle est borgne, qu’on l’appelle parfois la « Vieille Circé », la magicienne qui transforme les hommes en pourceaux, mais il triomphera d’elle comme Ulysse.
    Il ne bouge pas.
    Elle est là contre lui, la borgnesse, la boiteuse au déhanchement lascif.
    Il est enivré par ses parfums, le froissement des tissus de
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