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Liquidez Paris !

Liquidez Paris !

Titel: Liquidez Paris !
Autoren: Sven Hassel
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pilonnage ? Mais est-il devenu fou ? Voilà qu’il se cure les ongles, puis c’est le tour de son unique dent qu’il nettoie avec le chiffon qui sert à nettoyer les fusils et dans lequel il range aussi son dentier. Tout ça en souriant. Même un pilonnage n’arrive pas à démonter Porta.
    Le bombardement semble se calmer. Aussitôt on empoigne les armes, on repousse les plaques blindées, Gregor installe la mitrailleuse. Qu’il puisse rester des hommes dans l’enfer qui se déchaîne est une énigme. Les pieux et les barbelés soigneusement installés par Rommel tout a disparu, c’est un autre univers. Hinka manœuvre avec désespoir la manivelle du téléphone : « Point d’appui 509 signale un barrage ! hurle-t-il. Vous m’entendez ? – Il secoue le téléphone avec rage. – Vous m’entendez, Bon Dieu ? Ici 509. Barrage ! »
    Mais il n’y a plus de téléphone, il n’y a plus d’artillerie. Les positions, les hommes, tout a disparu, volatilisé sous le bombardement le plus épouvantable de l’Histoire.
    Les voilà… ! Ils débarquent sur la plage ! Un fourmillement d’hommes en kaki qui ne pensent pas à une résistance. Le pilonnage a dû tout détruire. Mais soudain, les mortiers de 12 crachent des grenades en une pluie ininterrompue… L’infanterie kaki hésite : « En avant ! En avant ! » crient les officiers.
    Les mitrailleuses fauchent par rangées entières. Ils flambent sous le lance-flammes de Porta. Qu’ils meurent donc ! Finie l’épouvantable attente. A nous de tuer ! Ils s’abattent les uns sur les autres ; un soldat reste suspendu dans les barbelés et il hurle. C’est horrible de mourir dans les barbelés ; un camarade se précipite, mais une salve de mitrailleuse le scie en deux et le corps se balance, plié sur le fil, atroce.
    – En avant ! Derrière moi ! crie le commandant Hinka.
    Nous nous élançons dans l’escalier étroit, Petit-Frère et le légionnaire en tête. Je traîne la mitrailleuse, l’affût autour de mon cou ; de ma main libre, je lance ce que j’ai pu fourrer de grenades dans ma ceinture. Juste devant moi, une silhouette… Casque plat, un Anglais. Coup de crosse. Cris, hurlements, corps balancés par-dessus les falaises. Je saute des barbelés, ma mitrailleuse toujours sur le cou. Un soldat en kaki lève les bras ; il a perdu son casque. Un coup de pied dans le ventre, un coup de crosse en pleine figure… Des visages apparaissent. Barcelona et moi, nous nous ruons en même temps. Des coups sourds, on trébuche sur des corps sanglants, déchiquetés… Ils reculent. D’abord lentement, en tiraillant, puis ils jettent les casques, les armes, les masques à gaz et se précipitent vers la mer où se noient les blessés.
    Pourquoi nous battons-nous ainsi ?
    Pour la Patrie ? Pour le Führer ? Pour l’Honneur, les décorations, l’avancement ? Jamais. Par instinct. De peur de perdre une vie précieuse. Chaque minute est un enfer : on laisse un instant un camarade ; on se retourne : ce n’est plus qu’un magma de chair dans une mare de sang. Avec désespoir on se cogne la tête contre une paroi d’acier, on devient un bloc de cynisme, on se jette derrière la mitrailleuse, on tue pour tuer.
    Porta, lui, songe immédiatement à la boustifaille et rapporte un plein sac. de conserves. Petit-Frère s’intéresse davantage aux dents en or et fouille la bouche des cadavres malgré les vitupérations du Vieux qui parle de conseil de guerre. Epuisés, nous nous jetons sur le sol gras de l’abri, et Porta s’empresse d’ouvrir quelques boites. C’est de la graisse de fusil ! Quatre autres boîtes : toujours de la graisse de fusil. Porta a pillé un dépôt d’armes, mais le légionnaire a une idée : on attache quatre boîtes à une grenade à main, le tout fixé à un bâton de phosphore.
    – Fameux ! ricane Gregor. Demain les journaux vont crier qu’on a une arme nouvelle !
    Voilà l’attaque qui reprend… Les mitrailleuses sont chauffées au rouge. Barcelona sert le gros mortier avec ses gants d’acier en loques. Presque pas de pause entre les coups. L’ennemi patauge dans le sang, et sous le soleil, le sable blanc devient rouge brun, telle une terre ferrugineuse.
    Au loin, sur la mer, encore des navires, une forêt de mâts. Des bâtiments amphibies sautent et dans l’eau surnagent des tronçons de corps, tandis que l’acier fait crépiter les flots. Ah ! ils croyaient avoir détruit toute
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