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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol
Autoren: Michel Zévaco
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moment, la barque oscilla comme une balance affolée : les rameurs eurent à peine le temps de crier : Ho ! ho ! Nous chavirons !… Bois-Redon eut à peine le temps de lever le bras… D’une ruée frénétique, Hardy soudain debout, ses forces décuplées, repoussait violemment le colosse ; il y eut un juron furieux ; puis le bruit mou d’un corps dans l’eau… Hardy venait de sauter.
    L’instant d’après, parmi ces lueurs vagues qui jaillissent des sillons liquides, les gens de la barque le virent qui émergeait. L’un d’eux leva sa rame. Bois-Redon, à temps, arrêta le coup, et hurla :
    – Sans effusion de sang, qu’on t’a dit, triple brute !…
    Et lui aussi, sauta.
    La barque, doucement, se mit à descendre le courant, entre la double haie de maisons qui baignaient leurs pieds dans le fleuve, se maintenant de conserve avec les deux nageurs, impassible spectatrice du drame. Mais Bois-Redon vociféra :
    – Voulez-vous bien déguerpir, truandaille !
    La barque fit demi-tour. Bois-Redon se coupait ainsi tout secours possible. Mais il lui avait été ordonné de n’être vu de personne en entrant dans la rue aux Fèves.
    Hardy était bon nageur ; il plongea, puis revint à fleur d’eau, puis, d’un effort méthodique, se mit à descendre le fleuve bordé de maisons, sans quais, sans berges. Avec la rapidité du souvenir et de l’imagination, il se dit qu’il ne retrouverait de berges pour aborder que soit devant le château du Louvre, soit devant la tour de Nesle. Tout affaibli qu’il était par la lutte et le coup reçu sur la tête, il nageait avec vigueur.
    Il entendit derrière lui un clapotement ; une seconde il tourna la tête et il vit…
    Une énorme silhouette de ténèbre plaquée sur ténèbre se dressait sur lui…
    Le colosse, d’un effort, se soulevait hors de l’eau pour se laisser retomber de tout son poids sur Hardy. Dans la nuit, il y eut un ricanement, un rauque : « Je te tiens !… » puis plus rien : Hardy éperdu avait plongé. Bois-Redon, entraîné par l’élan, disparut sous l’eau…
    Là, il y eût alors de terribles remous…
    Tout de suite, Hardy chercha à remonter à la surface et, à chaque tentative, il se heurtait à un bras prêt à le happer, à ce grand corps qui se débattait, à cet ennemi qui, frénétiquement, le cherchait… Hardy étouffait, il râlait, il était au bout de ses forces… Une seconde, ils furent corps contre corps… D’un dernier recul de tout son être, Hardy se libéra… revint à l’air et se laissa aller à la dérive. Il ne voyait plus l’ennemi. L’instinct seul le soutenait encore et le guidait… Non loin de lui, sur sa gauche, une ombre se dressait, gigantesque fantôme qui semblait s’intéresser à ce drame.
    Hardy reconnut ce fantôme : c’était la tour de Nesle… Le souffle court, les yeux agrandis, il put donner le suprême effort, il sentit qu’il touchait et se traîna vers la berge… Il n’en pouvait plus et dans cet instant il entendit que derrière lui quelqu’un s’avançait, le suivait pas à pas, sortait de l’eau en même temps que lui… Tout à coup, dans le lourd silence, la grosse cloche du Louvre, derrière, tinta fortement, sonna une demie. Hardy fut secoué de la tête aux pieds d’un tressaillement tel que son impression très nette – sa dernière impression ! – fut que le battant de la grosse cloche venait de le frapper à la nuque. Dans la même seconde, son être entier parut se pétrifier ; il tomba tout d’une pièce et demeura sur le sable, sans mouvement, sans respiration, sans vie…
    Bois-Redon s’arrêta, soufflant, grognant, se secouant. Il se mit à genoux sur le sable en grommelant on ne sait quoi contre la nécessité de tuer les gens sans verser le sang :
    – Tiens ! fit-il brusquement, il est mort !…
    La besogne était toute faite. Bois-Redon cessa de grogner. Longuement, minutieusement, la main, puis l’oreille sur le cœur, il examina Hardy.
    – Mort de noyade, fit-il enfin. Et pas une égratignure. Tout va bien. Allons !
    Il prit le cadavre dans ses bras et s’aperçut alors qu’il était d’une inconcevable raideur. Il eût été impossible de plier un bras ou une jambe de ce cadavre.
    – Oh ! frissonna Bois-Redon, est-ce donc que déjà la mort accomplit son œuvre ?… déjà ?… si vite ?…
    Mais ennuyé d’en avoir pensé si long en une seule fois, il secoua la tête et, jetant le corps sur son épaule comme
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