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Lettre à Louis XIV

Titel: Lettre à Louis XIV
Autoren: François de Salignac de La Mothe-Fénelon
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l’est pas, et vous humilier pour vous convertir ; car vous ne serez chrétien que dans l’humiliation. Vous n’aimez point Dieu ; vous ne le craignez même que d’une crainte d’esclave ; c’est l’enfer, et non pas Dieu, que vous craignez. Votre religion ne consiste qu’en superstitions, en petites pratiques superficielles. Vous êtes comme les Juifs dont Dieu dit :
Pendant qu’ils m’honorent des lèvres, leur cœur est loin de moi
. Vous êtes scrupuleux sur des bagatelles, et endurci sur des maux terribles. Vous n’aimez que votre gloire et votre commodité. Vous rapportez tout à vous, comme si vous étiez le Dieu de la terre, et que tout le reste n’eût été créé que pour vous être sacrifié. C’est, au contraire, vous que Dieu n’a mis au monde que pour votre peuple. Mais, hélas ! vous ne comprenez point ces vérités ; comment les goûteriez-vous ? Vous ne connaissez point Dieu, vous ne l’aimez point, vous ne le priez point du cœur, et vous ne faites rien pour le connaître.
    Vous avez un archevêque corrompu, scandaleux, incorrigible, faux, malin, artificieux, ennemi de toute vertu, et qui fait gémir tous les gens de bien. Vous vous en accommodez, parce qu’il ne songe qu’à vous plaire par ses flatteries. Il y a plus de vingt ans qu’en prostituant son honneur, il jouit de votre confiance. Vous lui livrez les gens de bien, vous lui laissez tyranniser l’Eglise, et nul prélat vertueux n’est traité aussi bien que lui.
    Pour votre confesseur, il n’est pas vicieux, mais il craint la solide vertu, et il n’aime que les gens profanes et relâchés ; il est jaloux de son autorité, que vous avez poussée au-delà de toutes les bornes. Jamais confesseurs des rois n’avaient fait seuls les évêques, et décidé de toutes les affaires de conscience. Vous êtes seul en France, Sire, à ignorer qu’il ne sait rien, que son esprit est court et grossier, et qu’il ne laisse pas d’avoir son artifice avec cette grossièreté d’esprit. Les jésuites même le méprisent et sont indignés de le voir si facile à l’ambition ridicule de sa famille. Vous avez fait d’un religieux un ministre d’Etat. Il ne se connaît point en hommes, non plus qu’en autre chose. Il est la dupe de tous ceux qui le flattent et lui font de petits présents. Il ne doute ni n’hésite sur aucune question difficile. Un autre très droit et très éclairé n’oserait décider seul. Pour lui, il ne craint que d’avoir à délibérer avec des gens qui sachent les règles. Il va toujours hardiment, sans craindre de vous égarer ; il penchera toujours au relâchement et à vous entretenir dans l’ignorance. Du moins, il ne penchera aux partis conformes aux règles que quand il craindra de vous scandaliser. Ainsi, c’est un aveugle qui en conduit un autre, et, comme dit Jésus-Christ,
ils tomberont tous deux dans la fosse
.
    Votre archevêque et votre confesseur vous ont jeté dans les difficultés de l’affaire de la régale, dans les mauvaises affaires de Rome ; ils vous ont laissé engager par M. de Louvois dans celle de Saint-Lazare, et vous auraient laissé mourir dans cette injustice si M. de Louvois eût vécu plus que vous.
    On avait espéré, Sire, que votre conseil vous tirerait de ce chemin si égaré ; mais votre conseil n’a ni force ni vigueur pour le bien. Du moins Mme de M. et M. le D. de B. devaient-ils se servir de votre confiance en eux pour vous détromper ; mais leur faiblesse et leur timidité les déshonorent et scandalisent tout le monde. La France est aux abois ; qu’attendent-ils pour vous parler franchement ? Que tout soit perdu ? Craignent-ils de vous déplaire ? Ils ne vous aiment donc pas, car il faut être prêt à fâcher ceux qu’on aime, plutôt que de les flatter ou de les trahir par son silence. A quoi sont-ils bons, s’ils ne vous montrent pas que vous devez restituer les pays qui ne sont pas à vous, préférer la vie de vos peuples à une fausse gloire, réparer les maux que vous avez faits à l’Eglise, et songer à devenir un vrai chrétien avant que la mort vous surprenne ? Je sais bien que, quand on parle avec cette liberté chrétienne, on court risque de perdre la faveur des rois ; mais votre faveur leur est-elle plus chère que votre salut ? Je sais bien aussi qu’on doit vous plaindre, vous consoler, vous soulager, vous parler avec zèle, douceur et respect ; mais enfin il faut dire la vérité. Malheur, malheur à eux
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