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L'Eté de 1939 avant l'orage

L'Eté de 1939 avant l'orage

Titel: L'Eté de 1939 avant l'orage
Autoren: Jean-Pierre Charland
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reconnaissance de son travail auprès des enfants réfugiés. Elle devient la première femme canadienne déléguée à l’Assemblée générale des Nations Unies en 1949.

    Woodsworth, James Shaver (1874-1942): Pasteur méthodiste et militant socialiste, il participe à la création du Cooperative Commonwealth Federation en 1933, un parti politique à gauche de l’échiquier canadien, dont il sera le premier chef.

Prologue
    â€” Papa, j’ai peur.
    Myriam Bernstein se pressait contre la poitrine creuse de son père, terrorisée, le visage barbouillé de larmes. L’homme encerclait ses épaules de son bras pour la protéger, tout en disant d’une voix mal assurée:
    â€” Ce n’est rien, ce n’est rien. Nous partons.
    Rien, dans le comportement de la foule, n’autorisait semblable optimisme.
    Des gens se pressaient tout autour du taxi, tapaient sur le capot et le toit. À l’intérieur du véhicule, les passagers avaient remonté les glaces, verrouillé les portières. Le chauffeur jurait entre ses dents, faisait de grands gestes des mains pour que les badauds s’éloignent un peu. N’y tenant plus, il finit par abaisser sa vitre de quelques pouces pour demander au premier venu:
    â€” Qu’est-ce qui se passe?
    Un homme vêtu d’un uniforme brun, un brassard rouge orné d’une croix gammée sur le bras droit, s’arrêta pour répondre:
    â€” Une opération de nettoyage. Il reste encore des Juifs dans la ville!
    â€” … Mais je dois passer. Je dois conduire ces personnes au port.
    â€” Alors il faudra prendre un autre chemin.
    Le chauffeur regarda dans son rétroviseur. Des gens marchaient au milieu de la chaussée, quelques véhicules immobilisés empê chaient absolument de faire demi-tour, ou de reculer.
    â€” Vous pouvez me dégager le chemin? demanda encore le conducteur.
    Le membre des chemises brunes ne se donna même pas la peine de répondre, tout à son plaisir d’aller casser du Juif.
    â€” Vous avez entendu, enchaîna le chauffeur en s’adressant à Izak Goldberg, le passager qui prenait place près de lui sur le siège avant.
    L’homme consulta du regard les cinq personnes s’entassant sur la banquette arrière de la voiture, puis tenta de plaider:
    â€” Vous ne pouvez pas nous laisser ici… Nous devons prendre ce navire.
    â€” Vous le voyez bien, ce n’est pas possible. Vous irez plus vite à pied.
    Inutile d’insister. Pire, sembler trop anxieux de quitter les lieux ne ferait qu’attiser les soupçons.
    Comme la foule se faisait un peu moins pressante, le chauffeur put ouvrir sa portière et sortir. Izak Goldberg dut l’imiter. À  l’arrière, Jakob Bernstein descendit aussi, suivi de sa fille, de sa femme, de la fille et de l’épouse de son compagnon. Peu après, les deux hommes récupéraient toutes leurs possessions, deux valises de carton bouilli. Après trois siècles en Allemagne, c’était là tout ce qui restait du patrimoine des deux familles juives. Depuis l’arrivée au pouvoir du Parti nazi en 1933, exclus de toutes les professions et victimes de tous les boycotts, les Israélites achevaient de liquider leurs biens pour arriver à survivre.
    â€” Pour nous rendre au port… demanda Izak Goldberg en réglant le prix de la course interrompue.
    â€” Suivez cette rue jusqu’à l’Elbe. L’embarcadère sera sur votre gauche.
    Un moment plus tard, Rebecca agrippée à l’une de ses mains, et sa valise dans l’autre, Goldberg suivait le flot de la foule.
    â€” Ne pleure pas, murmura-t-il à la fillette. Tu vas nous faire repérer.
    Derrière suivaient sa femme et les Bernstein. Bientôt, ils débouchèrent sur une petite place. Vu les noms sur les façades, les commerces des environs appartenaient sûrement à des Juifs. La foule avait convergé jusque-là. Les vitrines défoncées vomissaient des pillards sur les trottoirs, les bras chargés de marchandises: des vêtements, des livres, de la nourriture, même des meubles.
    Les propriétaires de ces établissements, souvent des hommes à la barbe et aux cheveux gris, se trouvaient à genoux sur les pavés, des brosses à la main. Autour d’eux, des militants nazis riaient à gorge déployée,
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