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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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excommunications à l’encontre des plus compromis de leurs chefs pour marquer au moins sa réprobation de cette infamie et sauver l’honneur de l’Église. Est-ce qu’ils y avaient seulement songé, à l’honneur de l’Église, ces mécréants ? Encore heureux que les responsables de ce carnage n’aient pas laissé un Vénitien occuper le trône de Constantinople !
    Ce grand malheur l’avait en tout cas convaincu de ne plus jamais tolérer qu’un nouveau schisme se développât au point d’ébranler l’Église de Rome. La puissance spirituelle de la chrétienté serait désormais tout entière et définitivement incarnée par sa personne, tout comme elle devrait retrouver la puissance temporelle qui lui avait été assurée par son illustre et lointain prédécesseur Grégoire VII. Tout était de la faute de ses successeurs, les Clément III, Alexandre III ou Célestin III, ces papes poltrons qui n’avaient pas hésité – honte à eux ! – à plier l’échine devant les ambitions des empereurs allemands. Innocent III tremble encore de fureur à la pensée de l’empereur Barberousse qui avait osé, quarante ans plus tôt, mettre la main sur les États pontificaux.
    Depuis son accession au Saint-Siège en 1198, il a heureusement su reprendre les choses en main. La Toscane et la Lombardie lui ont fait allégeance, puis la marche d’Ancône et le duché de Spolète, et la Sicile aussi. Aujourd’hui, il aspire à soustraire complètement l’Italie à la domination impériale, et il est en train d’y parvenir. Que l’empereur ou un roi essaie de l’en empêcher, et il est prêt, comme Grégoire VII pour Henri IV d’Allemagne à Canossa, à recourir à la menace de l’excommunication.
    Les puissants ne l’intimident plus. Il a réussi à leur faire admettre que leur intérêt – pour justifier leur pouvoir – est de tenir leur trône de Dieu, donc de son vicaire. Dans ces conditions, lui, le berger de Dieu, devient le plus puissant d’entre les puissants. Mais son ambition s’est encore accrue, au point de rêver désormais de l’hégémonie du Saint-Siège, d’établir l’ imperium mundi imaginé par Constantin. Une tentative d’organisation, non seulement de l’Europe, mais de toute la chrétienté. Un rêve exaltant, digne de ce XIII e  siècle commençant, dont il est sûr qu’il verra, portés par leur foi, les hommes accomplir des tâches surhumaines.
    Mais voilà qu’à peine trois ans après l’anéantissement de l’Église d’Orient, une autre hérésie semble avoir pris racine, bien plus menaçante que n’importe quel conflit avec aucun prince. Sous les noms changeants d’albigéisme, de culte vaudois ou de catharisme, ses saints prédécesseurs l’ont laissé proliférer depuis quarante ans dans des régions dangereusement proches comme le Languedoc, la Provincia et, depuis quelque temps, jusqu’aux contrées du nord de l’Italie. Tout le Midi en est infesté, et aucune tentative pour la faire reculer n’a abouti, pas même la prédication de saint Bernard, ni celle des frères cisterciens Raynier et Guy. On n’en finira donc jamais avec l’esprit de malignité des hommes.
    Dès son élection, il avait envisagé l’éventualité d’avoir à recourir à une croisade d’un genre nouveau, lancée par des chrétiens contre d’autres chrétiens. Une telle décision lui avait paru si lourde de conséquences qu’il avait voulu laisser encore une chance au mandat de deux de ses meilleurs légats, Pierre de Castelnau et frère Raoul. En les envoyant en Languedoc prêcher la contradiction aux hérétiques, il les avait chargés de convaincre les seigneurs féodaux de se mobiliser contre l’hérésie, et leur avait donné par lettre de mission « pouvoir plein et entier d’y détruire, d’y arracher, d’y planter tout ce qui sera nécessaire ».
    Castelnau, en brillant stratège, avait d’abord réuni en une ligue les vassaux du comte de Toulouse Raymond VI, le plus puissant d’entre les nobles de cette région infestée, puis il avait invité celui-ci à se joindre à eux. Le coup était habile, car si le comte acceptait, il se trouvait porté par ses propres féaux contre les hérétiques ; et, s’il refusait, c’était comme s’il avouait sa connivence avec eux. Innocent III avait applaudi des deux mains à cette manœuvre si brillante.
    Mais, à présent, il ronge son frein, en lisant et relisant le rouleau de parchemin qu’il vient de
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