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Les sorciers du ciel

Les sorciers du ciel

Titel: Les sorciers du ciel
Autoren: Christian Bernadac
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    Droit et blanc, s’il rencontre un prisme dans sa course,
    Au choc s’y décompose et d’un spectre irisé
    Va colorer l’écran qui le reçoit brisé,
    L’âme perd sa candeur en traversant la vie.
    Le dur milieu terrestre où son essor dévie
    Par le heurt la divise et lui fait découvrir
    Tous ses pouvoirs latents d’aimer et de souffrir.
     
    Sully Prudhomme.

CHAPITRE PREMIER

MELK
    — Je t’ai vu parler au civil. Qui est-ce   ?
    — Un menuisier de Melk. Il a été « réquisitionné » au village. Les S.S. lui ont donné du travail pour deux mois.
    — Il va rentrer tous les soirs chez lui   ?
    — Oui. Et revenir dans le camp tous les matins. Il a un laissez-passer. Il est libre.
    — Alors c’est lui que tu as choisi comme agent de liaison   ?
    — Je ne l’ai pas choisi. C’est la Providence qui nous l’a adressé. Il est protestant, mais il a très bien compris notre situation et ce que je lui demandais. De plus, il a effectué des travaux à l’abbaye de Melk. Il s’y rendra ce soir et, si tout se déroule bien, demain, après-demain, au plus tard dans trois jours, nous pourrons communier.
    — C’est…
    — Attention le Kapo   !
    L’abbé Pierre Deswarte, d’un coup de pioche, brise une motte de glaise.
    *
    Melk, dernier-né des soixante-huit camps satellites de Mauthausen, est inauguré le 24 avril 1944 par un convoi de huit cents Français et de quatre cents Grecs. Ces premiers occupants, bientôt renforcés par des Italiens, des Russes, des Juifs hongrois et polonais, s’installent dans les dépendances d’une caserne de Pionniers Hitlériens. Ils vont aménager la cité concentrationnaire destinée à « héberger » les dix mille travailleurs d’une usine souterraine de roulements à billes.
    Pierre Deswarte, Jean Varnoux, Constant Domaigné, les trois premiers prêtres (5) de Melk, sont affectés à des Kommandos différents.
    — Le premier jour (6) j’ai fait de la terrasse, mais je me suis très vite rendu compte qu’il valait mieux devenir « spécialiste ». Le lendemain, un Kapo a demandé des maçons. Pensant que l’hérédité de mes grands-parents se réveillerait, j’ai levé le doigt. Nous construisons les W.C. La semaine suivante, le Kapo lut sur ma fiche au secrétariat que j’étais « Priester ».
    Bien que je ne comprenne pas l’allemand à ce moment-là, les mots « Priester » et « Maurer » mêlés dans son discours, et la raclée qui suivit me montrèrent qu’il ne pensait pas qu’un prêtre puisse être maçon… J’ai cependant continué, mais dans un autre Kommando, celui qui était chargé de construire les canalisations d’eau sous les chaudières et autoclaves des cuisines. Le Kapo de ces cuisines nous gratifiait tous les jours d’un bouteillon supplémentaire de vingt-cinq litres de soupe, pour nous faire travailler vite et mieux… Les vingt-cinq litres sortaient de la cuisine et étaient distribués entre nos amis qui creusaient les galeries souterraines. Le 8 juillet, nous avions terminé nos travaux   ; nous n’avions évidemment plus droit aux vingt-cinq litres… mais pourtant, chaque jour, deux d’entre nous venaient prendre possession du bouteillon avec la tranquillité d’une conscience en repos… Vu la vitesse acquise, cela dura jusqu’au 28 décembre, jour où Pierre Ryckebusch et Jacques Aulagnier, ramassèrent une bonne volée… Six mois avant qu’ils découvrent la « supercherie »   !
    *
    Sur le chantier, l’abbé Domaigné vient de « toucher » sa « soupe ». Un déporté s’approche de lui   :
    — Il me dit (7) que dans sa baraque un camarade mourait et qu’il demandait un prêtre. Vite, je dépose à terre ma gamelle et je vais assister ce jeune garçon d’une quinzaine d’années. Je suis resté près de lui dix minutes… À ma sortie, je n’avais plus qu’un souci   : retrouver mon Kommando et me faire tout petit pour qu’on ne s’aperçoive pas de ma disparition. Quand j’eus rejoint mon groupe, quelle ne fut pas ma surprise de les trouver tous en rond, debout, autour de ma gamelle. J’eus l’impression de voir des loups affamés, fixant un petit agneau. L’un d’eux me dit   : « On savait où tu étais, personne n’aurait osé te faire une sal… pareille. Mange maintenant. »
    *
    Léopold Gsenger, le menuisier « travailleur-libre » change d’avis   : pourquoi se rendre à l’abbaye de Melk où de nombreuses personnes pourraient
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