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Les sorciers du ciel

Les sorciers du ciel

Titel: Les sorciers du ciel
Autoren: Christian Bernadac
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autre malade, mourant, a murmuré alors que je le quittais   : « Nulle part ailleurs je n’aurais été si bien préparé à mourir. »
    *
    Un jeune séminariste breton, Pierre Cohade, se meurt au Revier. Une longue agonie… des semaines d’agonie… Pourtant, chaque fois qu’autour de lui s’éteint un déporté, il trouve assez de force pour descendre de son grabat et réciter la prière des morts. Un soir, Maurice Combanaire apporte aux Français une gousse d’ail et une poignée de sel. Combanaire employé à la cuisine S.S., est passé maître dans l’art de chaparder des pâtes, du sucre, du paprika, des oignons, de la farine… trésors inestimables dans un camp   ; trésors qui lui ouvrent toutes tes portes.
    — Je pénètre (11) dans la chambre des érysipèles où nos camarades devenaient méconnaissables et dans la chambre des dysentériques d’où peu sont sortis vivants. L’horreur des horreurs   ! Tout ce qui peut exister de plus sinistre et que l’imagination se refuse à admettre. Ils étaient surveillés par Pelé, un étudiant en médecine de Lyon (12) … J’assiste à la mort du commissaire central de Belfort. Il avait reçu un terrible coup de pied dans le bas-ventre, par « le Tzigane ». Un Français, responsable de la chambre, demande, comme c’était l’habitude, à quelques « valides » de s’arcbouter derrière la porte pour que personne ne puisse entrer pendant que le séminariste prononcerait la prière des morts. Tous se découvrent… Les uns sont debout, les autres à genoux sur les couchettes. J’aide le séminariste à descendre de sa couchette, la plus élevée à gauche de la porte. Le séminariste était à bout de forces. Il se recueille longuement… Je l’aide à remonter sur sa paillasse… Je l’allonge. Il pousse un grand soupir et meurt… J’ai vu beaucoup de camarades de misère disparaître mais cette scène est celle qui m’a le plus profondément marqué, le plus profondément touché.
    *
    — Un jour (13) , alors que mon Kommando travaillait au terrassement de la ligne de chemin de fer qui devait relier Leinsdorf à l’usine souterraine en construction, nous avons vu un prêtre autrichien en soutane traverser le champ voisin. Il est entré dans une ferme. Nous l’avons vu sortir, disparaître puis, plus tard, revenir. Chaque fois il paraissait pressé. J’ai pensé qu’il apportait la communion à un malade alors, subitement, j’ai dit aux déportés   : « Tournons-nous vers le Bon Dieu qui passe. » Beaucoup ont fléchi le genou dans la boue. Le prêtre a vu le geste et a tracé, avec la Sainte Réserve, un signe de croix sur nous. Les S.S., le Kapo polonais, personne n’est intervenu. Personne n’a été puni.
    *
    Le 8 juillet, à 11 heures, des bombardiers alliés qui venaient d’ouvrir leurs soutes au-dessus des gares de triage de Vienne, larguent leurs dernières bombes sur les casernes de Melk. Plus de quatre cents morts parmi lesquels l’abbé Pierre Deswarte (14) .
    *
    — Le 8 novembre (15) , tous les ecclésiastiques, prêtres ou pasteurs, sont appelés au bureau. Ils doivent être rassemblés dans un block spécial de Dachau (16) . On les gratifie de cigarettes et d’un discours « patriotique » du commandant Ludolf. Tous sont appelés… sauf moi. Drame de conscience   ! Je vais consulter Pichon, le responsable de la colonie française. Il me dit qu’effectivement je serais mieux à Dachau… Je n’ai qu’à me faire connaître comme prêtre et je pars. Mais je préfère rester avec mes amis de Melk. Je considère cet oubli comme providentiel   : il faut un aumônier… Tant pis pour les conséquences. L’explication de cet oubli est bien simple   : j’ai pu, à la Libération, consulter ma fiche de déporté. Au-dessous du triangle rouge des « politiques », les ecclésiastiques avaient porté la mention « Geistlicher », ma fiche indiquait simplement « Priester » et l’ordre de Berlin ne concernait que les « Geistlicher ».
    Les prêtres partent pour Dachau. Jean Varnoux a désormais la charge de dix-huit mille âmes. Il est épaulé par tous les « cadres » prisonniers du camp. Le 21 décembre, dans la rotonde des toilettes, il rencontre Sherrer, responsable du block XVIII.
    — Henri, si tu me trouves du vin, je te dis la Messe de Minuit.
    — Tu es fou   ?
    — Non   ! Qu’est-ce que tu risques   ? Les S.S. seront tous saouls.
    Sherrer ne répond pas.
    — Le
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