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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan
Autoren: Arnaud Delalande
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encore le plus sombre des
trésors… Sauve-le, Escartille ! Tu m’entends ?
    Il se pencha, son regard vibrant d’une rare
intensité :
    —  Sauve-le.
    Puis il considéra les visages autour de lui, les
traits figés dans une angoisse mortelle.
    — Allons, dit-il simplement. Nous ne
pouvons plus renoncer.
    Et il ajouta :
    — La mort nous appelle.
    Les hérétiques.
    Ils sortirent.
    Les croisés de l’ost les attendaient. Des
milliers d’hommes, plantés devant leurs drapeaux et leurs étendards, d’un bout
à l’autre du paysage. Ces constellations humaines étaient déployées en taches
innombrables, mouchetant les crêtes, grouillant au fond de la vallée. Les
pavillons du sénéchal de Carcassonne et du clergé se trouvaient aux premières
loges. Hugues des Arcis et les légats pontificaux, installés dans leurs
fauteuils, s’apprêtaient à prononcer leur sentence finale. Un vent froid s’était
levé. Les soldats ne bougeaient plus. Écus, plastrons et cuirasses, lances et
casques miroitaient de temps en temps dans la pâleur de l’aurore. Des nuages s’amoncelaient
avec une lenteur funèbre au-dessus du pech. Ils recouvrirent bientôt l’ensemble
des terres du voisinage, baignées d’une lueur sépulcrale.
    Le tribunal de l’Inquisition formait un cercle
autour du bûcher. Les clercs s’étaient rassemblés dans un pré, sur la face
sud-ouest du pic de Montségur, à moins de deux cents mètres du château. La
veille de ce jour fatal, les sergents de l’ost français s’étaient employés à
achever leur palissade de pals et de pieux, de plusieurs dizaines de mètres de
circonférence. À l’intérieur de ce camp préparé pour la circonstance, on avait
posé de toutes parts des fagots de bois, de la paille et de la résine, pour que
le feu ne manque pas de se propager rapidement. Le nombre des cathares était
tel que l’on n’avait pas eu le temps de dresser des poteaux pour y ligoter
chacun d’entre eux ; mais leur mort, prompte et efficace, était assurée. Il
suffisait de pénétrer derrière le rideau de la palissade pour trébucher sur ces
amoncellements de branchages, de poutres, de brindilles et d’herbes sèches, prêts
à se mêler dans la fournaise. Cet enclos sinistre n’avait pas de porte. Des
échelles avaient été posées contre les palissades. Les hérétiques graviraient
chacun de ces barreaux et auraient tout le loisir, à mesure qu’ils s’élèveraient
vers le ciel, de ressasser leurs prières et de contempler leur défaite.
    Ils arrivèrent enfin.
    Ils étaient tous en robe noire, une cordelette
serrant leur ceinture, une bible suspendue à leur flanc ; hommes, femmes, enfants,
même eux, les derniers enfants qui avaient survécu. Long chapelet de perles
obscures, macabre rosaire défilant sous les yeux de leurs vainqueurs. On les
poussait vers ce lieu qu’on appellerait, plus tard, le Pré des Crémats. On les
avait enchaînés, comme pour les priver d’une échappatoire que, de toute façon, ils
n’espéraient plus. Nul besoin de les faire marcher de force. Ils avançaient, certains
se tenant par l’épaule ou par la main. Seul le cliquetis du métal troublait la
solennité du moment. Ils avaient la gorge nouée ; s’ils venaient à
proférer quelques mots, c’était en chuchotant, comme pour ne pas troubler le
cours terrible de ces dernières minutes. Sur leurs visages se peignaient les
émotions les plus cruelles. Certains semblaient impatients d’en finir. D’autres
avaient les traits figés, masque impénétrable. D’autres encore, le front
dégoulinant de sueur, le sang battant à leurs tempes, usaient de tout leur
courage pour ne pas hurler. Ils marchaient, chaque pas supplémentaire les
poussant vers l’abîme. À la tête des condamnés se tenait l’évêque cathare
Bertrand Marty. Il parut le premier devant Frère Ferrier et Aguilah. Derrière
lui, les gens étaient faibles et pâles. Certains pouvaient à peine marcher. Tandis
qu’on les jetait sans ménagement à l’intérieur du bûcher, Bertrand Marty se
tourna vers Aguilah. Des nuées de crucifix, sur lesquels des corbeaux se
trouvaient perchés, projetaient leurs ombres sur le pré.
    — Abjurez-vous votre foi en l’Église du
Diable ? demanda Aguilah d’un ton tranchant.
    Il sembla que sa voix résonnait en écho dans
les vallées entourant Montségur.
    — Non, répondit Bertrand Marty.
    Abjurez-vous votre foi en l’Église du
Diable ?
    Non.
    Au bûcher.
    La foule
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