Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor
Autoren: Juliette Benzoni
Vom Netzwerk:
détruisant son mariage, au soir même de ses noces et à la veille de son départ pour les jeunes États-Unis ? Allons, le piège était bien monté et digne en tout point de son auteur…
    Envahi d’un immense dégoût, il tourna la tête pour ne plus voir l’expression de joie cruelle de ce visage encore inconnu une heure plus tôt et qu’en si peu d’instants il avait appris à haïr. Par-dessus les flammes des bougies, son regard rencontra celui de Pongo. Les yeux sombres de l’Indien, presque toujours si curieusement inexpressifs, brûlaient comme des chandelles. Gilles y lut une colère égale à la sienne mais, aussi, un avertissement, une mise en garde et il comprit que son fidèle serviteur craignait qu’il ne se livrât à quelque geste irréparable.
    Pour le rassurer, il lui adressa un semblant de sourire puis revenant à l’homme qui, prêt à sortir, l’observait…
    — Allez au diable ! gronda-t-il. Mais, en y allant, dites-lui bien ceci : au cas où, par sa faute, un seul cheveu tomberait de la tête de ma femme, ce serait la sienne qui m’en répondrait. Je n’aurai trêve ni repos que je ne l’aie abattu de ma main. J’en fais le serment sur la vie de ma mère, sur l’honneur de mon père…
    L’autre eut un ricanement désagréable.
    — Que pourrait-il avoir à craindre d’un mort… ou, tout comme, d’un prisonnier que l’on oublierait au fond d’un cul-de-basse-fosse ?
    — Chez nous, monsieur, en Bretagne, on croit aux revenants et aux revenants qui tuent… ne fût-ce que par l’obsession et la terreur qu’ils peuvent causer. Dieu qui me connaît ne me refusera pas la joie de hanter mon ennemi. Un jour viendra où Satan lui-même gémira et tremblera sous sa justice ! Pensez-y, monsieur l’astrologue ! Vos pareils finissaient souvent sur le bûcher, jadis. Vous, en servant le maître que vous vous êtes choisi, c’est le feu éternel qui vous attend…
    Il eut l’amère satisfaction de voir l’autre pâlir et faire un rapide, presque furtif signe de croix avant de disparaître derrière le vantail de la porte. Même les esprits forts de ce siècle, dit des Lumières, ne parvenaient pas toujours à chasser, des recoins obscurs de leur âme, la crainte des vieilles malédictions, l’angoisse de l’au-delà, du mystérieux passage derrière le miroir sans tain d’où personne, jamais, n’était revenu dire ce qu’il y avait trouvé. Le bruit de ses pas, étouffé par l’épaisseur des murs, s’éteignit très vite… Modène s’enfuyait…
    Un moment, Gilles et Pongo demeurèrent seuls face à face sans rien se dire, chacun d’eux sachant bien, sans avoir besoin du secours des paroles, ce que l’autre ressentait. Peu bavards, comme tous ceux qui ont pris racine et longtemps vécu en étroite communion avec la Nature – les grandes forêts américaines pour l’Indien, la lande et la mer bretonnes pour son maître – l’amitié et la confiance qui s’étaient développées entre eux depuis plusieurs années se traduisaient par un étrange pouvoir de chacun à lire dans les pensées de l’autre.
    Ce fut seulement au bout d’un instant que Pongo murmura :
    — Pas beaucoup trois jours pour…
    Mais Gilles lui fit signe de se taire. Guyot le geôlier, en effet, revenait une fois de plus pour desservir la table.
    Il fit la grimace en constatant que tous les plats étaient vides et que les prisonniers avaient tout mangé ainsi que l’Indien l’avait prédit et il était tout juste en train de se promettre de prélever, à l’avenir, sa dîme personnelle en apportant les repas quand Pongo, qui ne l’avait même pas regardé, lui déclara d’un ton sévère :
    — Si plats pas assez pleins demain, moi te couper oreilles !
    Sûr de lui, l’homme voulut faire le malin et haussa les épaules.
    — Vous pas couteau ! fit-il, imitant Pongo. Vous rien couper du tout…
    L’ancien sorcier sauta sur lui d’un bond de danseur et lui montrant les longues incisives qui le faisaient ressembler si fort à un lapin :
    — Moi ai dents ! s’écria-t-il en roulant des yeux si terribles que le porte-clefs poussa un gémissement de terreur. Moi arracher grandes oreilles velues avec dents ! Moi l’avoir fait très souvent dans combats avec tribus ennemies…
    Épouvanté, Guyot ramassa son plateau et s’enfuit sans demander son reste, oubliant même dans son affolement de refermer la porte derrière lui. Un vacarme de plats d’étain s’affalant sur
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher