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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver
Autoren: Bernard Cornwell
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avait débarrassés de leur neige et
dont la silhouette noire et noueuse se détachait maintenant sur un paysage figé
par l’hiver. La buée qui sortait de nos bouches demeurait comme suspendue dans cette
clarté nocturne. La terre paraissait morte et immobile, comme abandonnée par
Bélénos, le dieu du Soleil, à la dérive dans le vide froid et sans fin qui
sépare les mondes. Et Dieu sait qu’il faisait froid ; un froid mordant,
mortel. Des chandelles de glace pendaient aux égouts du château de Caer Cadarn
et à la porte voûtée où, dans la journée, l’escorte du Grand Roi avait eu le
plus grand mal à chasser la neige pour conduire notre princesse dans ce haut
lieu de la royauté. Caer Cadarn était l’endroit où l’on conservait la Pierre
royale ; c’était le lieu des acclamations et donc le seul endroit,
insistait le Grand Roi, où pût naître son héritier.
    Norwenna
poussa un nouveau hurlement.
    Je n’ai jamais
assisté à la naissance d’un enfant et, s’il plaît à Dieu, jamais je n’y
assisterai. J’ai vu une jument mettre bas et j’ai observé des veaux venir au
monde ; j’ai entendu le discret geignement d’une chienne en gésine et j’ai
senti les contorsions d’une chatte qui mettait bas sa portée, mais jamais je
n’ai vu le sang ni la glaire qui accompagnent les cris d’une femme. Et bon sang
que Norwenna hurlait, alors même qu’elle essayait de se retenir ! Du moins
est-ce ce que les femmes racontèrent par la suite. Parfois, le cri perçant
s’arrêtait subitement et laissait le silence planer dans le château fort :
le Grand Roi sortait alors sa grosse tête des fourrures, l’oreille aux aguets,
comme s’il était dans un bosquet et que les Saxons rôdaient dans les parages,
si ce n’est qu’il écoutait maintenant dans l’espoir que le silence soudain
marquerait l’instant de la délivrance, l’heure où son royaume aurait de nouveau
un héritier. Il tendait l’oreille, et dans le calme de l’enceinte gelée, nous
entendions le souffle rauque et terrible de sa bru entrecoupé, de loin en loin,
d’un geignement pathétique, et le Grand Roi se tournait à demi comme pour
murmurer quelque chose, puis les cris reprenaient de plus belle ; il
plongeait la tête dans l’épaisseur de ses peaux et l’on ne voyait plus que ses
yeux luisants dans la grotte ombragée que formaient son chaperon et son col.
    « Sire,
intervint Mgr Bedwin, vous ne devriez pas rester sur les remparts. »
    Uther lui
répondit d’un geste de sa main gantée : que Bedwin rentre donc se réfugier
auprès de l’âtre si le cœur lui en dit, mais le Grand Roi Uther, le Pendragon
de Bretagne, ne bougerait pas. Il voulait être sur les remparts de Caer Cadarn
pour promener son regard sur la terre gelée et dans les airs, où étaient tapis
les démons. Mais Bedwin avait raison : le roi n’aurait pas dû monter la
garde contre les démons par cette nuit rigoureuse. Uther était vieux et malade,
et pourtant la sécurité du royaume reposait sur son corps boursouflé et son
esprit lent et triste. Six mois plus tôt, il était encore vigoureux, mais c’est
alors qu’il avait appris la mort de son héritier. Mordred, le plus cher de ses
fils, le seul rejeton que lui avait donné son épouse qui fût encore vivant,
était tombé sous la doloire d’un Saxon puis avait été saigné à blanc sous la
colline du Cheval Blanc. Cette mort avait laissé le royaume sans héritier, et
un royaume sans héritier est un royaume maudit, mais cette nuit-là, si les
Dieux le voulaient, la femme de Mordred lui donnerait un héritier. À moins que
ce ne fût une fille, bien entendu : en ce cas, la souffrance aura été en
pure perte et le royaume sera condamné.
    La grosse tête
d’Uther émergea des fourrures où son souffle avait déposé une croûte de glace.
    « Bedwin,
fait-on bien tout le nécessaire ? demanda Uther.
    — Tout,
Sire, tout », répondit Mgr Bedwin. Il était le conseiller le plus écouté
du roi et, comme la princesse Norwenna, il était chrétien. Protestant de se
voir arrachée à la chaleur de sa villa romaine des environs de Lindinis,
Norwenna avait hurlé à son beau-père qu’elle ne consentirait à venir à Caer
Cadarn que s’il promettait d’en tenir à l’écart les sorciers des anciens Dieux.
Elle avait réclamé une naissance chrétienne et, Uther, qui désespérait d’avoir
un héritier, avait accédé à ses exigences. Les prêtres de Bedwin
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