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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie
Autoren: S.J. Parris
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tiraillé entre votre conscience et votre devoir, votre
souci devrait toujours être le bien qui en ressortira. Les innocents parmi eux
n’auront rien à craindre.
    — Ce n’est pas cela, Votre Honneur.
    — Alors, quoi ? »
    Il avait l’air perplexe.
    « Philip Sidney m’a dit que vous étiez un ennemi
farouche de Rome et que vous seriez heureux de rejoindre les rangs de ceux qui
combattent l’arrivée de l’Inquisition sur ces rivages.
    — Je suis l’ennemi de Rome, Votre Honneur, comme je
m’oppose à tous ceux qui prétendent dire aux hommes ce qu’ils doivent croire et
qui les exécutent dès qu’ils osent formuler la moindre question. »
    Je gardai le silence un instant, sous le regard inflexible
de mon interlocuteur.
    « Nous ne punissons pas les hommes pour leurs
croyances, Bruno. Sa Majesté a un jour déclaré, avec éloquence, qu’elle n’avait
pas envie de percer des fenêtres dans l’âme des hommes. Moi non plus. Dans ce
pays, ce ne sont pas ses croyances qui mènent un homme à l’échafaud, mais ce
que ces croyances peuvent l’amener à faire.
    — Ce que ces croyances peuvent l’amener à faire, ou ce
qu’on peut prouver qu’il a fait  ?
    — L’intention vaut trahison, répliqua-t-il avec un
mouvement d’humeur. La propagande est de la trahison. En une époque comme la
nôtre, même diffuser des livres interdits est une trahison, parce que ceux qui
le font cherchent à convertir les hommes entre les mains desquels ils placent
ces ouvrages. Et convertir les sujets de la reine, c’est lui voler leur loyauté
pour la livrer au pape, de sorte que si la force catholique nous envahit, ils
se rallieront à l’agresseur. »
    Nous nous fîmes face un moment, puis il posa sa main sur mon
bras.
    « Ici, en Angleterre, un homme avec des idées comme les
vôtres, Bruno, est libre de mener sa vie et d’écrire sans craindre de sanction.
C’est pour cela, je présume, que vous êtes venu. Souhaitez-vous que
l’Inquisition menace de nouveau cette liberté ?
    — Non, Votre Honneur, je ne le souhaite pas.
    — Dans ce cas, consentez-vous à servir Sa
Majesté ? »
    L’espace d’un instant, je me demandai en quoi ma réponse
bouleverserait mon existence.
    « Je la servirai au mieux de mes capacités »,
répondis-je finalement.
    Un sourire s’épanouit sur le visage de Walsingham, j’aperçus
l’éclat de ses dents dans le crépuscule, puis il prit ma main entre les
siennes, dont la peau était sèche et ridée.
    « J’en suis extrêmement heureux, Bruno. Sa Majesté
récompensera votre loyauté quand elle sera avérée. »
    Ses yeux brillaient. Autour de nous, malgré les quelques
traits de lumière violacée qui ourlaient le blanc des nuages au-dessus des
arbres, le jardin était presque plongé dans les ténèbres et l’air commençait à
fraîchir tandis que les plantes libéraient leurs douces fragrances dans la
brise du soir.
    « Venez, allons à l’intérieur. Quel piètre hôte je
fais, je ne vous ai rien offert à boire ! »
    Il se leva avec une raideur perceptible dans le dos et les
hanches et entreprit de remonter les pelouses.
    Un domestique avait allumé une série de petites lanternes de
part et d’autre du chemin qui traversait le jardin, de sorte que nous
approchâmes de la maison entre deux rangées de chandelles vacillantes. L’effet
était charmant et, en prenant une profonde inspiration, j’eus la prémonition de
nouvelles possibilités, d’un avenir à portée de main. Les longues journées de
voyage dans les montagnes du nord de l’Italie, les nuits dans les auberges
insalubres infestées de rats, où je me forçais à ne pas dormir, la main posée
sur ma dague de peur qu’on ne m’assassine pour les quelques pièces que j’avais,
tout cela me paraissait très loin. J’allais avoir une place comme informateur
au service de la reine d’Angleterre. Encore un tournant inattendu de ma vie, un
chemin imprévu qui s’ouvrait dans la grande carte de mon étrange périple à
travers le monde, pensai-je.
    Walsingham s’arrêta juste devant les lanternes et se pencha
vers moi.
    « Je vais vous organiser une rencontre avec Thomas
Phelippes, dit-il. Il s’occupe de l’organisation. Il met au point des systèmes
d’échange de correspondance, des messages chiffrés, cet aspect des choses.
C’est l’homme le plus doué d’Angleterre pour déchiffrer des messages secrets.
Inutile de vous dire qu’il ne faut pas souffler mot à âme
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