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Le Pacte des assassins

Le Pacte des assassins

Titel: Le Pacte des assassins
Autoren: Max Gallo
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visage d’albâtre de la comtesse Elisabeth, la
criminelle, celle dont le souvenir, j’en avais acquis la certitude, avait hanté
Julia tout au long des années de la Grande Terreur, quand le loup aux yeux
jaunes égorgeait pour un mot de trop ou pour un silence, parce qu’il voulait
que personne ne se sentît hors d’atteinte des crocs du bourreau, mais peut-être
aussi parce qu’il avait d’abord besoin de se rassurer, de s’abreuver, que la
peur des autres lui desséchait la bouche et le cœur, et que seul le sang frais
pouvait le désaltérer.
    Julia avait osé
écrire cela, consciente qu’en tenant son journal, en entassant ces notations et
réflexions dans ces carnets, elle offrait sa gorge au bourreau, elle l’appelait
comme une suicidaire désireuse qu’on la tue. Et, en même temps, écrire était
pour elle une manière d’affirmer sa liberté et son espérance.
    « J’écris pour qu’on ne puisse pas
ensevelir les morts sous le silence
et les assassiner ainsi une nouvelle fois. J’écris pour qu’ils revivent un jour. »
    Pour autant, elle n’ignorait aucun des dangers
qui la menaçaient.
    Staline jouait avec elle, posant parfois ses
griffes sur son épaule, l’attirant jusqu’à lui, la convoquant au Kremlin au
milieu de la nuit après avoir fait éloigner Heinz Knepper, l’observant
silencieusement de ses yeux plissés, le visage enveloppé dans la fumée de sa
pipe, lui murmurant qu’il pensait à elle pour une mission à Berlin. Il voulait
qu’elle revoie Karl von Kleist, un ami précieux qui avait transmis – il en
avait à présent la preuve – son message à Hitler.
    — Peut-être, camarade, faudra-t-il que tu
le réchauffes un peu ? Je t’en crois tout à fait capable…
    Il se lissait la moustache entre l’index et le
pouce, tapait le fourreau de sa pipe à petits coups sur le talon de sa botte.
    Il indiquait d’un geste à Julia qu’elle
pouvait partir et, au moment où elle se levait, il murmurait : « Tiens-toi
prête. »
    Elle rentrait glacée
à l’hôtel Lux et celui qu’on appelait le commandant de l’hôtel, le camarade
Gourevitch, lui faisait comprendre d’une mimique complice qu’il lui avait suffi
de voir la limousine aux vitres fumées s’arrêter devant l’entrée de l’hôtel
pour savoir chez qui elle s’était rendue. Mais, au bout de quelques jours, Gourevitch
redevenait grossier, menaçant, et sans doute agissait-il sur ordre.
    Et les nuits de Julia Garelli-Knepper étaient
à nouveau peuplées de bruits de pas et de sanglots.
    « Le pressoir
tourne de plus en plus vite, avait écrit Julia au mois d’octobre 1936. Nos
corps vont être jetés sous la meule. Heinz ne parle plus. Il m’effleure de
quelques regards, mais je ne peux les retenir. Il se détourne, cache son visage
entre ses mains. Son silence est un cri de détresse, mais il est si désespéré, si
affaibli que sa voix est déjà morte.
    Ce matin, alors qu’il était assis au bord du
lit, si voûté, si las, je lui ai demandé s’il se souvenait du portrait d’Elisabeth
Garelli, ce tableau de Vasco Morini qui l’avait tant impressionné lorsqu’il l’avait
vu pour la première fois. C’était le 3 janvier 1917 au milieu de la nuit. Mon
frère Marco et mon père étaient au front. Le palais était désert. J’avais guidé
Heinz jusqu’à ma chambre, l’aidant à monter l’escalier parce que ses blessures n’étaient
pas cicatrisées et qu’il fallait attendre plusieurs jours encore avant de
tenter de fuir Venise, de passer en Suisse, d’échapper à la guerre.
    Mais Heinz m’avait prévenue : il ne
voulait pas se mettre à l’abri. Il ne désirait pas la paix pour lui et pour le
monde, mais la révolution. Je devais savoir les risques que je prenais en l’aidant
à traverser la frontière. Je n’aidais pas qu’un Allemand, mais un
révolutionnaire. On me condamnerait deux fois à mort, même si j’étais la fille
du comte Lucchino Garelli, colonel des bersaglieri, familier du roi d’Italie.
    Heinz s’en souvenait-il ? J’avais répondu :
“Je suis avec toi, toujours.” J’avais dix-sept ans.
    Je lui ai rappelé ce qu’il m’avait chuchoté
dans l’escalier alors que j’éclairais le tableau de Vasco Morini :
    “Elle te ressemble”, m’avait-il dit.
    Il m’avait enlacée, murmurant qu’Elisabeth
Garelli et moi nous étions des “guerrières”. Et que la révolution avait besoin
de combattantes et même d’ogresses.
    Il avait ajouté –
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