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Le Dernier Maquisard

Titel: Le Dernier Maquisard
Autoren: Alain Pecunia
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réflexion.
     
     
     
     
     
    19
     
     
     
     
     
    Je passai une foutue nuit.
    Après être resté la majeure partie de la journée au lit, il
m’était impossible de trouver le sommeil. Le passé et le présent
continuaient de se télescoper en moi. J’avais l’impression que cela
ne finirait jamais.
    Je tentai d’y échapper en pensant à Élise et en m’efforçant de
raisonner les sentiments qu’elle avait fait naître dans mon cœur de
vieux.
    D’accord, nous avions été heureux de nous retrouver et nous
semblions l’un et l’autre – surtout elle, en fait – avoir toujours
attendu cet instant. Mais que savais-je de sa vie et n’étais-je pas
sous le choc de tous ces souvenirs qui avaient surgi en si peu de
jours alors qu’ils avaient été refoulés tant d’années ?
    À mon âge, est-ce que je ne confondais pas une révélation
amoureuse avec un dernier sursaut de mon corps qui se savait, lui,
engagé sur une courbe descendante et fatale ?
    J’en vins à songer que l’instinct de survie me jouait un mauvais
tour en m’offrant une dernière illusion.
    Nous pensions, Georges et moi, être les deux derniers survivants
du maquis.
    En fait, nous étions trois avec Élise.
    Bien sûr, elle n’avait que huit ans à l’époque. Mais les secrets
dont elle avait été la seule dépositaire durant tant d’années en
faisaient une des nôtres.
    Nous étions les trois survivants d’une époque qui disparaîtrait
avec nous.
    Peut-être me raccrochais-je à Élise – comme elle se raccrochait
à moi – parce que nous avions peur de sombrer seuls dans le
néant.
    Nous avions peut-être besoin l’un et l’autre de compagnie, tout
simplement.
    Je pensai subitement à ma femme qui m’avait largué. Pourtant,
nous nous étions aimés de longues années. Ou nous l’avions cru
puisque nous étions devenus des étrangers l’un pour l’autre.
    C’était un souvenir douloureux. Également un échec.
    N’étais-je pas tenté de le réparer avec Élise ?
    J’étais paumé et je pris la résolution de retourner au plus tôt
chez moi. Pour y voir plus clair et permettre aux choses de
reprendre leur place.
    Je ne voulais pas céder à l’élan qui me poussait vers Élise de
façon irraisonnée. Je n’avais plus vingt ans et je n’étais plus à
l’âge où l’on peut se permettre de se tromper sur la nature de ses
sentiments.
    J’avais la trouille. D’Élise ou de moi. Ou de nous deux.
    Mais j’étais décidé de partir proprement. Après avoir honoré
notre rendez-vous pour le petit déj.
    J’ai fini par m’endormir sur ces « sages »
résolutions.
    Je fis alors un rêve curieux.
    Tous les visages de mes camarades de la Résistance, ceux de
Louis-le-Grand, du professeur Ricol, ceux du maquis
« Marceau », défilèrent un à un devant mes yeux.
    Tous
. Claude, Philippe, Roger, François, René, Daniel,
Jean… Émile, Louis, Georges, José, Manuel, Riton, Gustave, Raymond,
les filles…
    C’était étrange. Tous souriaient. Me souriaient. Me saluant ou
me disant un mot. Mais, quand ils eurent cessé de défiler, je me
surpris à refermer un album photo à l’épaisse couverture rouge.
    Ce n’étaient plus que des photos.
    Mais il en manquait une que je découvris par terre.
    C’était celle de Hans Schob.
    Elle avait glissé de l’album. Je la remis à sa place.
    Puis je sursautai.
    Une voix m’appelait désespérément.
    « Gilles ! Gilles ! »
    Je reconnus celle d’Élise.
    « Tu m’as oubliée ! » me reprocha-t-elle.
    Je regardai par terre en me levant de ma chaise.
    Non. Aucune autre photo n’avait glissé au sol.
    « Gilles, tu m’as oubliée ! » insista la voix
d’Élise.
    J’ai rouvert l’album, mais il n’y avait pas de case pour la
photo d’Élise. Elle n’y figurait pas.
    « Gilles ! Gilles ! » m’appela à nouveau la
voix d’Élise.
    Je me tournai dans la direction de sa voix.
    J’allais apercevoir son visage quand la sonnerie de mon réveil
de voyage se mit à ululer telle une sirène d’alerte.
    Il était déjà six heures.
     
     
     
     
     
    20
     
     
     
     
     
    Jamais je n’avais enchaîné douche et rasage avec un tel
empressement.
    À six heures et demie, je terminais de me raser et n’avais plus
qu’à m’habiller.
    Mon chino beige, un polo rouge et mon pull gris en V.
    Mais j’allais être en retard et j’avais Georges dans les pattes
alors que j’avais encore la gorge nouée par mon rêve.
    – T’en fais une
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