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Le combat des ombres

Le combat des ombres

Titel: Le combat des ombres
Autoren: Andrea H. Japp
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à un attachement qui n'avait plus rien de fraternel. Oh certes, péché de chair et de sodomie avait été évité. Pourtant, Bartolomeo était assez lucide pour reconnaître qu'il aurait failli si la lassitude n'avait pas gagné son tortionnaire. Nicolas s'était soudain agacé de ses propres jeux de séduction à son égard. Chaque nuit, Bartolomeo avait silencieusement remercié le camerlingue dont l'intervention l'avait débarrassé de sa pire, de sa plus délicieuse tentation, en nommant Florin seigneur inquisiteur pour le territoire d'Alençon. Il avait prié pour cet homme d'équité qui avait écarté le bourreau de tant de petites gens. Et puis Nicolas était tombé sous les coups de dague d'un ivrogne de passage, du moins était-ce ce qu'on avait conté à Bartolomeo. L'ombre malfaisante de Florin ne s'était pas dissoute pour autant. Elle s'était accrochée des semaines durant au moindre geste du jeune dominicain, le suivant comme un reproche insensé. Lui était alors parvenue une courte missive en la maison de l'Inquisition* de Carcassonne. Une missive si étonnante qu'il avait d'abord cru se méprendre sur son sens. Le camerlingue Honorius Benedetti le mandait auprès de lui, à Rome, où il exercerait dorénavant son service. Nulle griserie n'avait envahi Bartolomeo, plutôt la terreur de n'être pas à la hauteur de ce qu'attendait de lui le prélat. Servir la grandeur qu'il avait perçue chez l'archevêque lors de leur brève discussion lui était apparu hors de ses dons. Il s'était rendu à la convocation du prélat, insistant sur sa probable incompétence. La douceur obstinée dont Bartolomeo avait fait preuve avait convaincu Benedetti que le jeune dominicain était celui qu'il cherchait. Il avait balayé les incertitudes du jeune homme :
    – Mon frère… j'ai connu tant d'hommes qui n'étaient pas ce qu'ils prétendaient ou croyaient être. Les surprises qu'ils m'ont causées furent parfois exécrables, parfois réjouissantes. Laissez-moi donc juger de votre aptitude.
    Avec une aménité sous laquelle Bartolomeo avait perçu un infini désespoir, Benedetti avait alors expliqué au jeune dominicain le sens et l'inflexibilité de sa mission sacrée : l'ordre de l'Église devait prévaloir, à n'importe quel prix, afin de museler les pires inclinations de l'homme.
    Les recherches que le camerlingue avait confiées à Bartolomeo l'avaient ensuite accaparé. Il ne s'était pas interrogé sur la justesse de la conviction de l'archevêque. Après tout, Dieu avait décidé de la place de monseigneur Benedetti au Vatican. S'Il l'avait installé où il se trouvait, c'était, à n'en point douter, que son aide Lui était nécessaire. Au contraire, peu à peu, le jeune homme avait entrevu l'ampleur du projet d'Honorius Benedetti. Il avait senti que son rôle auprès de lui, aussi obscur fût-il, pouvait concourir à décourager l'homme de sa bestialité, à le haler vers la lumière. L'allégresse avait remplacé les appréhensions de Bartolomeo. Enfin il servait les créatures humaines, tous ces frères et sœurs auxquels il avait offert sa vie par amour du Christ. Et l'ombre de Nicolas Florin s'était effilochée pour disparaître tout à fait.

    La voix étonnamment grave du prélat le tira du bonheur que lui procurait cette conclusion :
    – Le moment est passé, Bartolomeo. Je l'ai savouré. Vos nouvelles ? Sont-elles bonnes ?
    – Je ne sais, Éminence. Les enjeux sont trop complexes pour que je les perce tout à fait. Vous jugerez. Cela étant, je les crois fastes.
    – Contez-les moi par le menu.
    – J'ai, sur votre ordre, approché le supérieur du monastère de Vallombrosa*, le père Eligius, un homme de bienveillance et de fermeté. Il vous est acquis et n'a fait nulle difficulté pour me narrer tout de l'histoire. Ce vieux moine mathématicien, frère Liudger, le concepteur de cette théorie astronomique blasphématoire, apparaît comme un frondeur invétéré, réprouva Bartolomeo. En dépit de mises en garde fraternelles, il n'a eu de cesse de prouver qu'il avait raison et que l'œuvre majeure de Ptolémée 4 n'était qu'un ramassis d'erreurs grossières. Quelle outrecuidance !
    Le visage sévère, Honorius Benedetti approuva cette exclamation d'un hochement de tête. Gentil petit moine. Bien sûr que la Terre tournait autour du soleil et non l'inverse. Inutile de le détromper. Le jeune dominicain, comme les autres, devait continuer de croire qu'il était le projet
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