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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix
Autoren: David Camus
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point Brins Arnat avait été
haïssable. Il s’était moqué à la fois des hommes et des dieux, chrétiens ou
mahométans, et n’avait montré pour les trêves et la parole donnée que dédain et
mépris. On lui devait de nombreuses guerres, d’innombrables actes de piraterie,
et même, quelques années auparavant, l’attaque des villes de Médine et de La
Mecque, dont il avait incendié et pillé les faubourgs. Tout comme on fane les
blés dont les épis sont drus et lourds, Châtillon profitait de chaque paix
signée entre Saladin et les rois de Jérusalem pour partir en campagne. Il
allait avec ses soudards semer la mort et la désolation parmi les plus
paisibles, ceux qui ne prenaient jamais part au combat, les femmes, les
enfants, les vieux, les paysans… Tous ceux qui s’efforçaient de vivre en bonne
entente avec les chrétiens, et incarnaient une promesse de paix entre les
diverses communautés. En vérité, c’était à lui qu’on devait cette guerre –
l’attaque de Tibériade par Saladin –, et c’était lui encore qui avait
poussé Ridefort, contre l’avis de Raymond III de Tripoli, à convaincre
Lusignan de quitter l’oasis de Séphorie, où l’ost des Francs séjournait à
l’ombre des palmiers.
    Malgré son grand âge, Renaud de Châtillon n’avait rien perdu
de sa vigueur, de son mauvais caractère ni de son insolence. C’était un enragé,
un de ces personnages dont on se disait que la terre irait mieux s’il venait à
disparaître. Il portait sa violence et sa hargne contre tous ceux qui
s’opposaient à lui, frappait les faibles comme les forts, et ne respectait
rien, ni son Dieu, ni son roi, ni ses frères d’armes – qui bien souvent
avaient cherché à le ramener à la raison ou à calmer ses ardeurs destructrices.
En le traitant de démon, Abu Shama était au-dessous de la vérité : cet
homme était le diable, même si les Mahométans l’appelaient Brins Arnat et les
chrétiens le Loup de Kérak, d’après le nom de sa forteresse. Tout chez lui
rappelait cet animal, honni entre tous : il en avait le poil gris, la
mâchoire proéminente, le regard acéré, la formidable musculature et la
démarche, vigoureuse et souple. Pour cet homme « de sang et de violence,
patron de tous ceux qui vivent de meurtre et de rapine » (comme il est dit
dans Le Roman de Renart), le monde n’était qu’une proie. Tous le
craignaient, ses ennemis, comme ses alliés. Châtillon n’avait pas d’amis, n’en
avait jamais eu, et n’en voulait pas. Tout ce qu’il voulait, c’était… à vrai
dire, il n’en avait aucune idée.
    Ce qui le rendait fou de rage.
    Saladin s’approcha de Châtillon, qui demeura assis et garda
entre ses mains la coupe de paix que le roi de Jérusalem lui avait remise.
    — Brins Arnat, prince d’Antioche et seigneur de
Transjordanie, veuf de Constance (Allah l’ait en Sa sainte garde) et mari
d’Étiennette de Milly – dame de Kérak (Allah ait pitié d’elle) –,
vous rappelez-vous vos trahisons, vos exactions, vos cruautés ? Vous
souvenez-vous, malheureux sire, de vos rapines et de vos péchés ?
Savez-vous que je n’ignore rien des blasphèmes que vous avez proférés contre
notre Prophète (le Très Haut vous maudisse !), et que je suis au courant
de toutes vos entreprises sacrilèges contre les villes très saintes de La
Mecque et de Médine, de vos pillages et de vos viols ? Puisque Allah vous
a mis en mon pouvoir, répondez à ma question : que feriez-vous de moi si
vous m’aviez entre vos mains, comme je vous ai entre les miennes ?
    — Assurément, je te ferais crucifier, répondit avec
aplomb Châtillon.
    — Insolent ! s’écria Saladin.
    Il dégaina l’un de ses deux longs sabres et frappa Châtillon
à l’épaule gauche. Le bras manqua se détacher, le sang jaillit de la blessure,
souillant l’eau de rose de la coupe de paix. Qui tomba sur le sol, où elle se
vida.
    — Tu viens de choisir ton supplice, dit Saladin en
rengainant son arme.
    Dans les yeux de Châtillon brillaient deux flammes, que la
douleur ne parvenait pas à éteindre. Il était allongé par terre, immobile, mais
n’avait pas succombé au coup donné par Saladin ; ses yeux étaient fixés
sur le sultan, qu’il observait en murmurant des paroles mystérieuses.
    Les Francs se regardèrent craintivement.
    — Il est juste de punir trop de crimes et d’accomplir
mon serment, dit Saladin en soutenant le regard de Châtillon. Je l’ai juré,
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