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L'affaire du pourpoint

L'affaire du pourpoint

Titel: L'affaire du pourpoint
Autoren: Fiona Buckley
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questions revenait naturellement. Hélas, je n’avais guère le choix ! J’avais perdu tout espoir d’avoir des nouvelles de Matthew. Je me voyais donc forcée d’assurer ma subsistance grâce à mes talents, pour le moins inattendus chez une femme.
    En fait, c’est moi qui avais découvert ce que tramait Sir Robin Dudley, le Maître des écuries royales, et sans le moindre recours à un crochet. Dans l’exercice de ses fonctions, l’évêque de Quadra, ambassadeur d’Espagne, se changeait parfois à la cour et laissait son portefeuille dans le vestiaire, sans se douter que le domestique qui le gardait n’était pas digne de confiance. Du moins, de celle d’un ambassadeur d’Espagne. Le domestique montrait une totale loyauté envers l’Angleterre, et j’avais fait en sorte qu’il fût payé avec largesse pour me laisser jeter un coup d’œil dans ce portefeuille chaque fois qu’il le conservait. D’ordinaire, le contenu était aussi assommant qu’inoffensif, mais un jour l’évêque commit l’imprudence d’y laisser un parchemin fort intéressant : un mémorandum du plan stupéfiant de Robin Dudley.
    La négligence de l’ambassadeur signifiait qu’il ne prenait guère l’idée au sérieux, cependant Cecil et moi étions certains qu’il n’en allait pas de même pour Dudley. À cette seule pensée, de folles images me venaient à l’esprit : Dudley conduit vers le billot, devant lequel je brandissais la hache. Quelle absurdité ! Moi, dame Ursula Blanchard, âgée de vingt-six ans, de taille moyenne et mince bien que j’eusse porté un enfant, je n’aurais jamais pu lever la hache du bourreau, et encore moins la balancer pour assener un coup. Ma rage intérieure céda un moment la place à l’amusement.
    Le rire, même silencieux, n’est pas plus propice que l’indignation à un crochetage efficace. Le fil métallique trembla dans ma main, raclant en vain les entrailles de la serrure, et messire Bone claqua la langue avec réprobation. Je me repris. Bien concentrée, les yeux fermés, je sentis enfin une résistance ferme et j’appuyai. Je transpirais en dépit du froid et ma fraise me piquait le cou. De quelle façon fallait-il presser le mécanisme secret ? Suivant ce qu’on m’avait recommandé, je m’efforçai de me le représenter par la pensée. Alors, à mon intense satisfaction, j’entendis le léger déclic tant espéré. Je me détendis.
    — C’est fait.
    — Pas mal, dame Blanchard, mais vous êtes distraite, n’est-ce pas ? Ce n’est pas bien de se laisser troubler. Comme je le disais la semaine dernière, il faut vous exercer. À cette fin, je vous ai apporté des boîtes munies de différentes sortes de serrures. Vous pouvez les garder.
    Il prit un sac de cuir par terre et le posa sur la table.
    — Une heure de travail chaque jour, voilà mon conseil. Gardez aussi les crochets.
    Je le remerciai et il me fixa avec tristesse avant d’ajouter :
    — Je reviendrai si l’on a besoin de moi. N’importe quand. Dites-le à Sir William. Tout cela doit sembler bien étrange à une dame comme vous !
    — Cela ne faisait assurément pas partie de mon éducation, dus-je admettre.
    Je me demandai ce que tante Tabitha et oncle Herbert, qui m’avaient élevée, auraient répondu si on leur avait demandé d’inclure cette matière inhabituelle dans mon programme de leçons. Les remarques de ma tante, surtout, m’eussent intéressée. Il n’y avait pas, dans tout le royaume, de femme plus ostensiblement vertueuse que Tabitha Faldene.
    Bone était rémunéré par Cecil, mais je compris soudain ce qu’il désirait.
    — Dale, ma bourse, je vous prie. Buvez un ou deux verres à ma santé, messire Bone. Quelque chose qui réchauffe.
    Je lui tendis un souverain d’argent qu’il saisit avec reconnaissance.
    — C’est gentil de votre part. L’argent ne dure jamais longtemps. Ça allait mieux jadis, quand j’étais gamin. Mille mercis, dame Blanchard. Quoique la boisson ne soit pas mon vice.
    Il se tourna pour chercher sa cape, que Dale prit sur le dossier d’une chaise et lui remit. Il la drapa autour de lui, par-dessus sa robe d’une propreté douteuse.
    — Il y a un combat de coqs cet après-midi, près de chez moi. Je n’ai jamais su dire non à un pari, voilà la vérité. C’est là qu’ira votre souverain, et j’espère le multiplier par deux.
    — Je vous souhaite bonne chance.
    Je feignis de ne pas voir qu’il lorgnait encore vers ma bourse.
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