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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange
Autoren: Arlette Cousture
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d’aller
de l’avant et de découvrir tout ce que son père voulait lui apprendre ?
    Élise ne savait pas si elle était capable de
vivre avec des étrangers. En fait, elle se demandait si elle en avait vraiment
envie. Vivre à la campagne pouvait toujours être amusant, mais se fondre dans
une famille qui n’était pas la sienne lui demanderait un effort qu’elle ne
pouvait mesurer. Par contre, elle était enchantée de sortir de la ville et de
ses rues maudites qui offraient à Conrad Ballard des centaines d’endroits où la
surprendre. Qu’elle aille rue Laurier pour acheter un journal ou jusqu’à Park
Avenue pour fouiner dans les magasins, il était là, lui demandant toujours la
même chose.
    – Est-ce que tu t’es fait un chum  ?
    Le matin même, arrivé de nulle part, il avait
empêché de se refermer la porte de l’autobus dans lequel elle prenait place,
jeté un ticket dans la boîte, arraché le billet de correspondance de la main du
chauffeur et était venu s’asseoir à côté d’elle.
    – Est-ce que tu t’en vas rejoindre ton chum  ?
    Conrad avait la détestable manie de toujours
agiter une jambe lorsqu’il était assis, ce qui agaçait Élise encore davantage,
si cela était possible. Non seulement décida-t-elle de ne pas lui répondre,
mais elle détourna la tête et fixa son regard sur l’extérieur.
    – Fais pas comme si tu me connaissais
pas. Tu fais quasiment partie de la famille.
    Il tenta de la prendre par l’épaule. Elle en
ressentit un dédain tel qu’elle ne put réprimer un « beurk ! ».
Elle se leva en le bousculant, retourna à l’avant du véhicule et s’assit près
du chauffeur. Conrad la suivit et s’installa face à elle en souriant. Élise vit
dans ses yeux une admiration qu’elle trouva malsaine. Conrad lui faisait peur.
Depuis qu’elle avait compris qu’il la suivait, elle en faisait des insomnies.
Elle avait cessé de travailler à la tabagie depuis six jours et, chaque fois
qu’elle regardait par la fenêtre, il était là. Elle l’avait même vu la nuit,
appuyé contre le lampadaire ou assis sur la bordure du trottoir, grillant
cigarette sur cigarette. Elle l’entendait marcher dans la ruelle, sifflant ou
chantonnant Don’t Be Cruel . Elle n’avait pas osé parler de cette
situation à sa mère, mais celle-ci s’inquiétait de son manque d’appétit et de
sa nervosité.
    – Voyons, Élise, est-ce qu’il y a quelque
chose qui te tracasse ?
    – As-tu un chum  ?
    Micheline, sans le savoir, faisait écho aux
propos de Conrad, et elle riait de bon cœur tandis que sa mère avait froncé les
sourcils.
    Élise revint à la réalité et passa
volontairement son arrêt. Puis le suivant. Conrad ne sortait pas non plus.
L’autobus arrivait à la fin de son circuit lorsque le chauffeur se retourna
pour informer les passagers qu’ils devaient mettre un autre ticket dans la
boîte. Élise sortit son porte-monnaie tandis que Conrad, debout, fouillait dans
toutes ses poches. Elle glissa son ticket dans la boîte et le jeune homme
voulut négocier un rabais.
    – Il me manque cinq cents. Tu peux pas me
forcer à descendre pour cinq cents !
    La porte s’ouvrit et Conrad sortit en proférant
des menaces à l’endroit du chauffeur, de la société de transport et des autres
passagers. Il donna un coup de poing à la porte qui se refermait, un coup de
pied et un autre coup de poing au panneau métallique de l’arrêt.
    –  Gang de trous de cul !
    La bouche en cul-de-poule, il envoya des
baisers à Élise en se passant la langue sur les lèvres, ce qui la dégoûta et
fit dire « Oh ! l’écœurant ! » à une passagère. Le
chauffeur fit rouler la toile qui indiquait sa destination et reprit sa route
en direction opposée. Soudain, Élise s’affola car Conrad, réapparu à une
intersection, courait à côté du véhicule. Le chauffeur tenta d’accélérer, mais
fut forcé de s’arrêter pour prendre un passager. Élise, quitte à passer
elle-même pour hurluberlu, changea de place dès qu’elle eut perdu Conrad de
vue. Ce dernier continua sa course, devançant parfois l’autobus, qui le
rejoignait toujours. Un passager semblait s’amuser de la scène.
    – Torrieux ! J’espère que c’est pas
le petit-fils d’Alexis le Trotteur, parce qu’il va arriver à l’avenue du
Mont-Royal avant l’autobus !
    Le chauffeur, agacé, rappela Élise à l’avant.
    – Je pense que tu devrais dire à ton boyfriend d’arrêter son
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