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La Régente noire

Titel: La Régente noire
Autoren: Franck Ferrand
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plus grande retenue fut de mise : connaissant la terreur de Madame envers les maux incurables, personne ne voulait prendre le risque de lui communiquer la nouvelle. Et le secret tint deux ou trois jours.
    C’est la reine de Navarre qui le rompit. Marguerite s’était dit qu’à tout prendre, il valait mieux subir aujourd’hui les plaintes de sa mère, qu’encourir ses foudres demain. Aussi, tout en minorant l’ampleur estimée de l’épidémie, choisit-elle de l’en avertir.
    — La peste ? s’émut Louise, toujours alitée. Vous dites que la peste est à nos portes ?
    — Elle vient seulement de franchir l’enceinte du domaine...
    — Que vous faut-il de plus ? Maintenant je comprends... Depuis quelque temps, ce ne sont, autour de moi, que cachoteries et messes basses !
    Dans l’instant, la décision fut prise de quitter Fontainebleau pour se rendre, à marche forcée, sur les terres de Madame, à Romorantin.
    — Vous souffrez mille morts et n’êtes pas en état de voyager...
    — Ne parlez pas de la mort, cela pourrait nous l’attirer ! Nous partirons à l’aube. Les effets et les meubles suivront.
    Ainsi, la maison de la régente se jeta, de bon matin, sur la route de Pithiviers. Dès les premiers cahots, l’on entendit Madame gémir de douleur, tant la goutte avait pris possession de ses articulations.
    — Peut-être devrions-nous...
    — Continuez ! Plus vite ! Allons !
    Désobéissant par charité, l’escorte avait adopté un rythme assez lent, afin d’éviter les heurts. De sorte que, le soir venant, on crut devoir s’établir à Ury pour la nuit. La peste en décida autrement.
    — Le village semble touché, madame, vint annoncer un capitaine. Nous devons trouver un autre refuge.
    On allait pousser vers La Chapelle quand un bouvier, remontant de ce hameau, déclara que là-bas aussi, le mal avait frappé.
    — N’y allez pas, conseilla-t-il ; ça tombe comme des taons !
    La peste était partout.
    Afin de ne pas rebrousser chemin, le convoi se hâta dès lors, à la lueur de torches, vers l’Orient et Reclozes. Ces errements irritaient la régente, mais les douleurs qui la tenaillaient limitèrent ses reproches. La reine Marguerite, à ses côtés, lui frottait les membres d’une huile au genévrier dont le parfum se mêlait, dans la litière, à celui de l’ambre, tellement indiqué contre les miasmes.
    Depuis Reclozes, dans les premières lueurs de l’aube, le convoi descendit vers Grez, aux rives du Loing. Plus très loin de Nemours.
    La régente n’avait pas fermé l’œil. Sa terrible, sa légendaire peur de mourir, attisée par ce nom de peste, s’était réveillée. Il est vrai que l’affection avait gagné l’escorte elle-même, et qu’on avait dû laisser derrière soi deux femmes, dont une lingère appréciée de Marguerite.
    — Il me semble, suggéra celle-ci, que nous devrions faire une halte au donjon de Grez, le temps que vous retrouviez quelque force.
    — Non. Croyez-moi, ma fille : nous devons distancer le mal, en le prenant de vitesse.
    Des ordres furent donnés pour qu’on pressât l’allure. Du reste, Madame paraissait à présent trop épuisée pour gémir ; elle était à bout de forces ; son teint avait pris un aspect cireux ; des mèches de cheveux s’étaient collées à ses tempes ; elle avait le nez et les lèvres pincées.
    — J’ai dû prendre froid, la nuit dernière, dit-elle. Mes yeux me font mal...
    Ces derniers mots glacèrent Marguerite.
    — Vous ne vous sentez pas bien ?
    Sa mère la foudroya du regard.
    — Vous me croyez déjà pestiférée ?
    Louise s’était redressée d’un mouvement, avec une force insoupçonnée.
    Mais devant Grez-sur-Loing, son énergie coutumière la quitta. Il fallut admettre que Madame était malade, ce qui ne signifiait pas forcément qu’elle fût atteinte... Elle se laissa transporter, comme un poids mort, jusqu’aux appartements royaux que dominait la vieille tour de Ganne. Les yeux hagards, la bouche entrouverte, elle paraissait étrangère à l’agitation alentour.
    Le soir venu, quand elle repéra elle-même les premières taches qui se formèrent sur sa peau, elle demeura un long moment interdite. Mais contre toute attente, elle ne céda nullement à la panique. Certains, plus tard, affirmeraient même qu’elle s’était, d’une certaine manière, sentie soulagée. Elle fixait les marques brunes d’un œil sans expression.
    — C’est bien fâcheux, dit-elle en secouant la
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