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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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les trois. D’autres officiers, et que nous aimions, étaient francs-maçons, esprits savants ou je ne sais quoi mais nous, nous parlions d’amour. Valencey d’Adana disait que sans les femmes, les émeutes de la faim et tout cela, on n’eût point connu si tôt cette grande Révolution. Les nouvelles de France nous arrivaient avec parfois deux mois de retard et nous nous étions trouvé une ambassadrice politique.
    – Madame Roland 1 ?
    – Non.
    – Théroigne de Méricourt 2 ?
    – Pas davantage. La nôtre fut Olympe de Gouges 3 .
    – Je ne la connais point!… répondit Marie.
    – Elle fut moins célèbre mais sur notre frégate, elle nous avait éblouis lorsque nous avions lu ce qu’elle écrivait: «La femme a le droit de monter à l’échafaud, elle doit avoir celui de monter à la tribune.» Elle persévéra en écrivant une «Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne»…
    – Ah, que ne suis-je Olympe de Gouges…
    Il lui prit les mains:
    – Impossible. Mais madame la commodore O'Shea, ce sera quand tu le voudras.
    Elle se leva. Lui aussi. Elle se pendit à son cou. Il se dit que ces deux bras, c’était bien les plus beaux liens du monde…
    – Partez!… Hors d’ici!… Toutes les deux!…
    Mme de Juignet-Tallouart quitta la tente sans un mot, entraînant l’adolescente en larmes.
    Blacfort se rhabilla, but un verre de malaga et maugréa en direction du curé Monteroux qui ronflait, ivre mort:
    – Eh bien c’est comme ça, je n’ai pas le cœur à les foutre. Tout à l’heure, après mon triomphe, ce sera autre chose!
    Blacfort tremblait, sa paupière battait follement sur son œil mort. Il crevait de peur et ses adversaires les plus acharnés, le voyant en cet instant, eussent été pris de pitié sans que celle-ci, peut-être, désarmât leurs bras vengeurs.
    Pleurant de désespoir, il se jeta sur le lit défait.
    Allongé, les mains croisées derrière la nuque, Mahé regardait le ciel étoilé.
    Il venait de faire sa ronde, salué par les sentinelles. Les grenadiers, tous anciens esclaves ou fils de ceux-ci, brossaient soigneusement uniformes et bonnets à poils en chantonnant très doucement une de ces mélodies qui vous serrent les entrailles tout en instillant dans votre cœur le doux poison de la mélancolie. Les Indiens, formant le cercle, assis en tailleur, regardaient les flammes, silencieux: pour y déchiffrer quelle vérité si ce n’est que la vie, malgré tout, vaut d’être vécue?
    Trois Yankees jouaient aux dés sur un tambour renversé. Ils juraient à mi-voix quand la chance les abandonnait. Tout à l’heure, pourtant, silencieux et impeccables, ils iraient au combat pour jouer une tout autre partie, peut-être la dernière.
    Hors de sa tente, un Espagnol armé d’une brosse nettoyait ses bottes, les plus belles et les plus propres de la 123 e demi-brigade «Liberté, liberté chérie».
    Rêveur, Mahé songeait au passé et à ses bornes: cette mère partie en l’abandonnant et que pourtant il plaignait et aimait, le château et sa Tour des Demoiselles, le général si bienveillant, le collège militaire à Rochefort, l’indomptable Terpsichore et toujours Joachim, à chaque étape, chaque instant…
    – Monsieur mon frère!… dit-il, attendri, en reprenant l’expression favorite de Valencey d’Adana.
    Mahé savait que tout à l’heure, les morts se compteraient par centaines. Il savait aussi que de Joachim et Nicolas, un n’y survivrait pas. Et lui-même aussi, peut-être, comme tous les vieux compagnons: Bernardin des Essarts marquis de La Mellerie, baron Joseph de Keringan, baron Guillaume de Lamorville, Jacques Dumesnil, baron Florent de Saint-Frégant, Florimont de Kergoat vicomte de Passavent, baron Joseph de Taillebourg… Et tous les autres!… Et bientôt Joachim ou Nicolas!
    Il murmura:
    – Le monde était trop petit pour César et Pompée, Auguste et Marc-Antoine, Louis XI et Charles le Téméraire…
    L'un des deux allait mourir et avec lui, les derniers vestiges des années d’innocence, les derniers pans d’enfance, des choses tendres et délicates qui s’enfuiraient à jamais.
    Il pensa à sa femme, ses enfants, là-bas…
    Mais rien ne calmait cette profonde douleur arrivée soudainement. Alors il pleura. Silencieusement pour ne gêner personne, ainsi qu’il vivait: être léger aux autres pour que la vie de tous fût elle aussi légère, telle une âme morte qui se perd à jamais dans l’éther bleuté de
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