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La jeune fille à la perle

La jeune fille à la perle

Titel: La jeune fille à la perle
Autoren: Tracy Chevalier
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m’étais trouvée
en minorité.
    Je tournai le dos au tableau,
je montai à l’échelle. D’une des pièces du devant me parvint le bruit des clefs
de Catharina. J’allai la trouver.
    Elle se déplaçait avec lenteur,
comme si elle était encore à moitié endormie. En me voyant, elle se redressa.
Elle me devança dans l’escalier, le gravit en prenant son temps, vu sa
corpulence, s’accrochant à la rampe pour se hisser.
    Arrivée à l’atelier, elle
chercha la clef dans son trousseau, déverrouilla la porte et l’ouvrit. La pièce
était plongée dans l’obscurité, les volets étaient fermés, je ne la devinais
qu’à peine, à la faveur des stries lumineuses qui filtraient entre les lattes.
Elle sentait l’huile de lin, une odeur propre et âpre qui me rappela celle des
vêtements de mon père, le soir, à son retour de la faïencerie. On aurait dit un
mélange de bois et de foin frais coupé.
    Catharina resta sur le seuil de
la porte. Je n’osai la précéder. « Allez, ouvrez les volets !
ordonnât-elle après un silence gêné. Pas ceux de la fenêtre sur votre gauche.
Juste ceux de la fenêtre du milieu et de la fenêtre la plus éloignée. Et pour
la fenêtre du milieu, n’ouvrez que les volets du bas. »
    Je traversai la pièce, me
faufilant le long d’un chevalet et d’un siège pour atteindre la fenêtre du
milieu. J’ouvris la fenêtre du bas, puis je repoussai les volets. Catharina
m’épiant depuis le seuil de la porte, je ne pus regarder le tableau sur le
chevalet. Une table avait été poussée contre la fenêtre de droite. Une chaise
avait été placée dans l’angle de la pièce, son dossier et son siège étaient en
cuir repoussé à motifs de fleurs jaunes et de feuilles.
    « Ne déplacez surtout rien
de ce qui est là-bas, me rappela Catharina. C’est ce qu’il est en train de
peindre. »
    Même sur la pointe des pieds,
je n’aurais pu atteindre la fenêtre du dessus et les volets. Il me faudrait
donc grimper sur la chaise, ce que je ne pouvais faire en sa présence. Elle me
mettait mal à l’aise à guetter ainsi, depuis le pas de la porte, que je
commette la moindre erreur.
    Je réfléchis à la façon de m’y
prendre.
    Le bébé me tira d’affaire, il
se mit à pleurnicher. Catharina me voyant hésiter, elle perdit patience et
finit par descendre s’occuper de Johannes.
    Je me hâtai de grimper avec
précaution sur le cadre en bois de la chaise, j’ouvris la fenêtre du haut, me
penchai et repoussai les volets. En jetant un coup d’oeil dans la rue au-dessous
de moi, j’aperçus Tanneke en train de frotter les dalles devant la maison. Elle
ne me vit pas, mais un chat qui la suivait à pas feutrés sur les dalles humides
s’arrêta et leva le nez.
    J’ouvris ensuite la fenêtre et
les volets du bas, et je redescendis de la chaise. Quelque chose bougea en face
de moi. Je m’arrêtai, pétrifiée. Le mouvement s’arrêta. C’était moi, dont un
miroir accroché au mur entre les deux fenêtres me renvoyait l’image. Je me
regardai. J’avais l’air inquiet de quelqu’un pris en faute, mais mon visage
était baigné de lumière, ce qui me donnait un teint radieux. J’écarquillai les
yeux, surprise, puis m’éloignai.
    Disposant d’un moment, je
parcourus l’atelier du regard. Spacieuse et carrée, la pièce était toutefois
moins longue que la grande salle d’en bas. Une fois les fenêtres ouvertes, elle
était lumineuse avec ses murs blanchis à la chaux et ses dalles de marbre gris
et blanc disposées en croix. Une rangée de carreaux en faïence de Delft
représentant des amours protégeait le bas du mur des ardeurs de nos
serpillières. Ceux-là non plus n’étaient pas l’oeuvre de mon père.
    Si spacieuse qu’elle fût, cette
pièce ne contenait que peu de meubles. On remarquait le chevalet et la chaise
devant la fenêtre centrale et la table devant celle de droite, dans l’angle de
la pièce. À côté de la chaise sur laquelle j’étais grimpée se trouvait une
autre chaise, près de la table. Cette dernière était en cuir non travaillé,
fixé par de gros clous en cuivre. Deux têtes de lion étaient sculptées en haut
des montants. Contre le mur le plus éloigné, derrière la chaise et le chevalet,
on apercevait un petit bahut sur lequel étaient disposés des pinceaux et un de
ces couteaux à la lame en forme de diamant, prévue pour nettoyer les palettes.
À côté du buffet, un bureau disparaissait sous les papiers, les livres et
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