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La Guerre et la Paix - Tome III

La Guerre et la Paix - Tome III

Titel: La Guerre et la Paix - Tome III
Autoren: Léon Tolstoï
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Deum avec tout son état-major. Pierre continua sur Gorky ; arrivé sur la hauteur et traversant la rue étroite du village, il aperçut, pour la première fois, des miliciens en chemise blanche avec le bonnet décoré de la croix, qui, ruisselants de sueur, travaillaient, en riant et en causant bruyamment, sur un large monticule situé à droite de la route et couvert de hautes herbes. Les uns creusaient la terre, les autres la brouettaient sur des planches posées à terre, et quelques-uns restaient les bras croisés. Deux officiers les dirigeaient du haut de la colline. Ces paysans, qui s’amusaient évidemment de la nouveauté de leurs occupations militaires, rappelèrent à Pierre ces paroles du soldat : « Que c’était avec le peuple entier qu’on voulait repousser l’ennemi ! » Ces travailleurs barbus, chaussés de grandes bottes dont ils n’avaient pas l’habitude, avec leurs cous bronzés, leurs chemises entr’ouvertes sur la poitrine, laissant voir leurs clavicules hâlées, firent sur Pierre une impression plus forte que tout ce qu’il avait vu et entendu jusque-là ; et lui firent comprendre la solennité et l’importance de ce qui se passait en ce moment.

III
    Pierre gravit la colline dont le docteur lui avait parlé. Il était onze heures du matin ; le soleil éclairait presque d’aplomb, à travers l’air pur et serein, l’immense panorama du terrain accidenté qui se déroulait en amphithéâtre sous ses yeux. Sur sa gauche montait en serpentant la grand’route de Smolensk, qui traversait un village avec son église blanche, couché à cinq cents pas en avant au pied du mamelon : c’était Borodino ! Un peu plus loin, la route franchissait un pont, et continuait à s’élever jusqu’au village de Valouïew, à cinq ou six verstes de distance ; au delà de ce village, occupé en ce moment par Napoléon, elle disparaissait dans un bois épais qui se dessinait à l’horizon : au milieu de ce massif de bouleaux et de sapins brillaient au soleil une croix dorée et le clocher du couvent de Kolotski. Dans ce lointain bleuâtre, à gauche et à droite de la forêt et du chemin, on distinguait la fumée des feux de bivouacs et les masses confuses de nos troupes et des troupes ennemies. À droite, le long des rivières Kolotcha et Moskva, le pays accidenté offrait à l’œil une succession de collines et de replis de terrain, au fond desquels on apercevait au loin les villages de Besoukhow et de Zakharino, à gauche d’immenses champs de blé, et les restes fumants du village de Séménovski.
    Tout ce que Pierre voyait sur sa gauche aussi bien que sur sa droite était tellement vague, que rien des deux côtés ne répondait à son attente : point de champ de bataille comme il se l’imaginait, mais de vrais champs, des clairières, des troupes, des bois, la fumée des bivouacs, des villages, des collines, des ruisseaux, de sorte que malgré tous ses efforts il ne pouvait parvenir à découvrir, dans ces sites riants, où était exactement notre position, ni même à discerner nos troupes de celles de l’ennemi : «. Il faut que je m’en informe, » se dit-il, et, se tournant vers un officier qui regardait avec curiosité sa colossale personne, aux allures si peu militaires :
    « Auriez-vous l’obligeance, lui demanda Pierre, de me dire quel est ce village qui est là devant nous ?
    – C’est Bourdino, n’est-ce pas ? demanda l’officier en s’adressant à son tour à un camarade.
    – Borodino, » répondit l’autre en le reprenant.
    L’officier, enchanté de trouver l’occasion de causer, se rapprocha de Pierre.
    « Et où sont les nôtres ?
    – Mais là plus loin, et les Français aussi ; les voyez-vous là-bas ?
    – Où, où donc ? demanda Pierre.
    – Mais on les voit à l’œil nu…, et l’officier lui indiqua de la main la fumée qui s’élevait à gauche de la rivière, pendant que son visage prenait cette expression sérieuse que Pierre avait déjà remarquée chez plusieurs autres.
    – Ah ! ce sont les Français ?… mais là-bas ? ajouta-t-il en indiquant la gauche de la colline.
    – Eh bien, ce sont les nôtres.
    – Les nôtres ? mais alors là-bas ?… »
    Et Pierre désignait de la main une hauteur plus éloignée, sur laquelle se dessinait un grand arbre, à côté d’un village enfoncé dans un repli de terrain, où s’agitaient des taches noires et d’épais nuages de fumée.
    « C’est encore « lui ! » répondit
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