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La danse du loup

La danse du loup

Titel: La danse du loup
Autoren: Hugues De Queyssac
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l’avait-il pressenti   ? Cet autre loup n’avait point de crocs acérés. Ni de babines. Son pelage virait au gris. Il n’était point grand. Il n’était point beau. Il était de petite taille et encore plus court sur pattes. Il était même d’une laideur repoussante. D’une laideur mortelle.
    Sitôt qu’il apparaissait, les meutes se refendaient, abandonnant leurs tanières, leurs femelles, leurs petiots. Les loups se dispersaient comme fleurs de peneaux au vent. Enfin, ceux qui pouvaient s’enfuir. La plupart jonchaient le sol, le crâne ouvert, le corps ensanglanté.
    Ce loup était doté par la nature d’une force considérable. Il se nourrissait du sang de ses ennemis. Les autres loups ne l’intimidaient point. Au contraire, il les traquait avec sa propre meute, les guettait au coin des routes, fuyait le contact, les attirait dans des pièges sournois. Avant de se jeter sur eux comme un essaim de frelons. Avant de planter son dard dans le corps de ses victimes.
    Fourbe, rusé, vaillant, il attaquait de front, se jetait dans la mêlée, mordait, saignait, se repaissait du sang qu’il avait versé avant de s’évanouir comme un félin. Il se terrait alors dans les étangs, dans les marais. Il ressurgissait soudain dix lieues plus loin, à l’endroit et au moment où on l’attendait le moins. Il ensanglantait tout sur son passage. Avant de disparaître à nouveau avec sa meute. Il se cachait dans les bois, se tapissait comme une taupe à la lisière des forêts. Il guettait ses proies, infatigable, sans prendre de repos, galopait ici et là, fondait sur elles avant même qu’elles le vissent. Il entraînait sa meute en hurlant à la mort, massacrait, achevait ses victimes, indifférent aux suppliques.
    Ce loup était toutefois d’une espèce rare, très rare, presque surnaturelle. Il maniait l’épée mieux que quiquionques et la hache de guerre comme d’aucuns. Il affectionnait la hache de guerre. Son jouet préféré. Toujours affûté comme les lames de rasoir des barbiers. Pour trancher et tailler en pièces les loups anglais et leurs consorts gascons.
    S’ils étaient inféodés à la mauvaise cause. À la cause du roi d’Angleterre. Il aimait le sang. Lorsqu’il était de la couleur de ses ennemis. Il pleurait celui de ses amis.
    Il était de petite noblesse bretonne. Il ne savait ni lire ni écrire. Trop parmi ses compains, en le duché de Bretagne, avaient rallié la mauvaise cause. C’était son déchirement. Lui, restait fidèle à un seul roi. Envers et contre tous.
    À son approche, les plus sages ouvraient les portes des villes, abaissaient le pont-levis des forteresses les plus inexpugnables ou baillaient rançon sans livrer bataille. Les plus téméraires, les plus rebelles étaient passés au fil de l’épée, après l’assaut, sans vergogne. Ou décolés à la hache.
    Son nom à lui seul faisait trembler ses ennemis ou ses amis d’antan. À en pisser dans les chausses. Il se nommait Du Guesclin. Bertrand Du Guesclin.
     
    « Bon Dieu   ! Par Saint-Yves   ! Que vois-je là-bas   ! »
    Ce matin-là, une bannière fleurdelisée claquait sur le château de la Rolphie qui dominait la bonne ville de Pierreguys. Du haut de son donjon, messire Du Guesclin venait d’apercevoir flottant à l’est, au soleil levant, une bannière anglaise.
    «  Auriez-vous pour voisins les Anglais   ? s’exclama-t-il.
    —  Hélas oui   ! répondit messire de Talleyrand, frère du comte de Pierregord. Maudit soit celui qui les y attira   ! Voilà bientôt un an que les Anglais en ont chassé les moines pour s’y retrancher et je ne puis les en défaire. Je crains même qu’on ne puisse jamais reprendre l’abbaye   : la place est forte et la garnison des plus résolues   ! Ils y jouissent, en outre, de vivres abondants   !
    —  Qu’à Dieu ne plaise   ! Par Notre-Dame Guesclin, je ne partirai point avant d’avoir repris cette abbaye   ! J’y souperai avant ce soir et y remettrai l’abbé et ses moines. Comment se nomme cette abbaye   ?
    —  Chancelade, messire Du Guesclin. L’abbaye de Chancelade.
    —  Chancelade avez-vous dit   ? Je crois savoir qu’un ignoble félon s’y est réfugié   ! J’ai des lettres de cachet du Parlement de Paris contresignées par le roi lui-même pour faire mainmise sur sa personne   ! Il a été jugé pour mauvaise fierté et condamné au supplice de la roue, avant d’être éviscéré, écartelé, puis pendu au gibet de
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