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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite
Autoren: Mireille Calmel
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venait de franchir sa porte dans l’espoir d’un héritier.
    –  Faites comme bon vous semblera, mon époux, affirma-t-elle sans baisser les yeux.
    –  Allez au diable, vous et cette enfant ! ragea-t-il en sortant de la pièce.
    La porte claqua sur le bruit de ses pas, faisant sursauter la petiote qui se mit à pleurer. Antoinette la berça longuement en chantonnant. Peu à peu Antoinette-Marie s’apaisa et finit par se rendormir.
     
    Loraline avait à peine sommeillé malgré son épuisement. Philippus était revenu lui annoncer que tout s’était passé au mieux, que leur fille avait pris le sein et la chaleur d’Antoinette, qu’Albérie n’avait croisé âme qui vive dans les couloirs du château et que la châtelaine ne s’était rendu compte de rien. Tout cela l’avait rassurée, et cependant elle frémissait au contact des lèvres goulues du nourrisson sur sa peau. Elle sentait sa vitalité s’amenuiser dans la froidure du cachot. Il pleurnichait souvent et Loraline ne parvenait à le protéger du froid humide et malsain. Elle ne pouvait s’empêcher de songer que sa vie était suspendue à celle de cet enfant. Sa vie et celle de sa fille. Sa vie et celle de Philippus.
    Elle attendait Chazeron. Elle l’attendit la journée durant. Il ne vint pas.
     
    La nuit suivante, lorsque la pleine lune gagna sa trouée d’étoiles, Albérie délaissa le chevet d’Antoinette, « pour jouir de quelque repos », affirma-t-elle, et s’en fut hurler sa haine sur la falaise proche.
    Dans le donjon de Vollore, qu’il avait regagné, François s’affaira en vain autour de l’athanor, invoqua le diable et ses suppôts, osa tous les mélanges, puis finit par se résoudre à admettre qu’on l’avait trompé. Avant que l’aube paraisse, son cri de rage se mêla à celui de la louve grise, faisant trembler d’effroi les animaux des alentours, portant sur le jour naissant l’anathème implacable de son âme démoniaque.
     
    Philippus ne se sépara de Loraline qu’en entendant Cythar gratter contre la pierre. Ils s’étaient assoupis l’un contre l’autre, épuisés de serments, épuisés de rêves impossibles, inaccessibles et pourtant rassurants. Il avait tenu chaud à cet enfant qui n’était pas le sien en suppliant le ciel qu’il vive assez longtemps pour nourrir leur manigance. Il aurait dû se haïr de cette obscène pensée ; au lieu de cela, elle l’apaisait. Il n’avait pas de remords, pas de regrets. Loraline souriait, malgré sa peur. Elle souriait de sa présence, elle souriait de savoir leur fille en sécurité. Le reste n’avait pas d’importance. Il la quitta avec le sentiment qu’il ne la reverrait pas, mais s’obligea à refouler ses larmes. Ils s’embrassèrent éperdument. Il grava dans sa mémoire les derniers mots qu’elle prononça :
    –  Quoi qu’il advienne, Philippus, n’oublie jamais combien je t’aime.
    Puis il referma le passage derrière lui et se laissa choir contre Cythar, au bout du boyau, dès qu’il put tenir assis contre la pierre. Comme elle, il attendait.
     
    En apparence François de Chazeron était calme, mais dans ses yeux brûlait une flamme sournoise, à peine humaine. Loraline resserra ses mains autour de l’enfanteau qui tétait goulûment, répugnant à offrir la vue de son sein à son immonde père.
    Il n’avait pas dit un mot depuis qu’il était entré. Il serrait ses poings croisés dans son dos, adossé au mur du cachot. Sinistrement supérieur. Cela dura deux minutes, peut-être cinq. Loraline n’aurait su dire. Elle avait perdu toute notion du temps. Elle avait même perdu sa peur de lui. Ensuite, il parla, posément. Comme la première fois qu’ils s’étaient rencontrés en ce lieu. Elle savait que cette froideur impersonnelle était pire encore que la colère. Elle, elle était au-delà. Elle s’en moquait. Tout ce qu’il pourrait lui prendre, c’était cet enfant, son demi-frère pour lequel elle n’éprouvait pas davantage de chaleur que pour le père.
    –  Qu’espérais-tu par ce mensonge, Isabeau ? Accoucher de ce gnome ? M’attendrir de cette scène ? Je te croyais moins sotte. J’étais prêt à te rendre ta liberté, sais-tu ? A quoi te serviront cet or et son secret dans la tombe ? À quoi peut te servir la jeunesse éternelle si j’étripe cet enfant devant tes yeux avant de t’ouvrir les entrailles ? A moins que l’alkaheist procure l’immortalité. Te crois-tu immortelle, Isabeau ?
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