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Histoire De France 1724-1759 Volume 18

Histoire De France 1724-1759 Volume 18

Titel: Histoire De France 1724-1759 Volume 18
Autoren: Jules Michelet
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convulsionnaires qu'on verra tout à l'heure demandant guérison à leur diacre Pâris, c'est un cas spécial du mal universel. Le Sauveur, Guérisseur, le miracle vivant, pour la masse c'est l'enfant royal,l'orphelin resté seul de sa famille éteinte. Cela attendrit tous les cœurs. Ce peuple famélique, lorsque le pain est à 8 sols la livre, lorsqu'il passe des nuits à la porte des boulangers, il est sensible encore ce singulier peuple de France, et au nom du Roi il sourit. La France pour l'enfant avait tous les amours, mère, amante, et nourrice. Ce rêve lui restait, cette poésie, dans sa misère profonde,—l'enfant aux cheveux d'or, le Roi.
    Dieu! si on le perdait!... Quelles frayeurs dans ses maladies! Les églises s'emplissent de femmes en pleurs, brûlant de petits cierges. Les plus pauvres font dire des messes. Dans ce froid et terne intérieur (de rentiers ruinés?) que Chardin peint souvent, chez la femme si sobre qui nourrit l'enfant de ses jeûnes, c'est l'espoir, le rayon... Pas un de ces enfants à qui la mère ne dise en le couchant le soir: «Prie pour que le Roi vive!»
    En 1722, lorsque convalescent il fut montré au balcon des Tuileries, en 1723 quand il parut au Sacre, oint de la Sainte-Ampoule et sous la couronne de Charlemagne, l'effet fut grand et vraiment populaire. Exalté au jubé au milieu des fanfares, il parut le petit Joas, comme échappé des morts, et l'on pleura abondamment. Plus encore, quand il fit son miracle royal, touchant les écrouelles, passant et repassant dans la longue file agenouillée.
    Il était devenu très-beau, plus fin, plus élégant que Louis XIV au même âge, moins alourdi d'Autriche. Pas une femme qui n'en fût amoureuse, et ne le dît franchement. En Angleterre, pays des beaux enfants,cela fut senti comme en France. Son portrait envoyé troubla fort les tendres Anglaises.
    On est saisi en voyant à la fois cet attendrissement universel, auquel l'Europe participait elle-même,—et d'autre part le terrible abandon où restait cet enfant, objet d'un espoir infini.
    Fleury, comme on a vu, avait éloigné tout le monde. Le départ de l'autre Fleury et de l'honnête Vittement avait fortement averti. On comprit qu'il fallait ne pas trop se mêler du Roi. Ses gardiens naturels s'annulèrent,—le gouverneur Charost qui ne gouvernait rien (homme d'esprit et ami des Jésuites),—le discret Saumery, sous-gouverneur,—Mortemart, premier gentilhomme, un brave homme, mais très-obéré, qui attendait tout de Fleury.
    Cela fit une maison close. M. le Duc était inquiet, sachant peu (dans son aile Nord, écartée, de Versailles) ce qui dans l'aile Sud pouvait se tramer contre lui. Il tâta Mortemart, lui donna cent mille livres ( Villars ), et ne le gagna pas. Duverney, plus adroitement, alla aux valets intérieurs ( Rich. , IV, 138). Ce mot signifie Bachelier, fils du valet de garde-robe, le vrai génie du lieu, qui pour trente ans devient valet de chambre. Né de bas, d'autant moins suspect, et restant toujours là, comme un chat qui cligne et voit tout, cet homme fin, discret, se trouva par moments en mesure de toucher aux grandes choses. Fleury eut le royaume et lui le Roi. Du métier assez sale qu'il était obligé de faire, il n'abusa pas trop. Ici, selon toute apparence, ce fut lui qui sauva le Roi. Il avait intérêt à ce qu'il vécût, cet enfant, sur la tête duquelil avait fondé sa fortune; mais, de plus, il l'avait vu naître, l'aimait d'instinct et d'habitude, s'inquiétait de la situation.
    Fleury laissant aller les choses, et voulant attendre l'infante (attendre au moins six ans!) ne voyait pas que d'ici là il irait se perdant, mourrait ou serait idiot. Souvent il pâlissait. Il était maussade et muet. «Il avait un sort sur la langue.» Et, signe pire d'un cerveau affaibli, souvent il parlait par saccades, comme une mécanique, une montre. Cela étonnait, faisait peur. ( Argenson , III, 203, éd. J.)
    Il avait une vie étouffée et malsaine entre trois camarades qui représentaient trois intrigues.
    Sous lui précisément, dans l'appartement Montespan, demeurait madame de Toulouse avec son honnête mari; mûre, dévote et sucrée, fraîche encore, belle et grasse, cette dame eut le privilége de rassurer le Roi, fort timide, de l'attirer même. Dévote, mais bien plus mère encore, par son fils Épernon (fils du premier amour), elle voulait conquérir le Roi. Ce fils, aimable et tendre (c'était elle-même à quinze ans), montait chez le Roi à
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