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Herge fils de Tintin

Herge fils de Tintin

Titel: Herge fils de Tintin
Autoren: Benoit Peeters
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passage
l’a beaucoup frappé, et il se le récite comme une
comptine : la mort du jeune Joseph Bara. Arrêté par les
Chouans et sommé de crier « Vive le Roi ! », le garçon
lance à la face de ses ennemis un retentissant « Vive la
République ! » et tombe percé de coups. « J’avais sept ou
huit ans quand je lisais ça. Je revois encore le dessin quiaccompagnait le texte : le héros levant les bras, et les
Chouans autour de lui brandissant des fourches et des
piques 20 . »
     
    La Grande Guerre s’achève enfin. Le prestige du roi
Albert conforte pour longtemps la monarchie belge. Le
souverain prend des mesures politiques significatives,
accordant le droit de vote à tous les citoyens masculins.
Mais la Belgique est ruinée, comme le reste de l’Europe,
et les privations restent importantes. Le pays va pourtant
se remettre plus rapidement que ses voisins, grâce aux ressources du Congo.
    Quant à Georges, ayant achevé ses années d’école primaire, il rejoint le 7 octobre 1919 l’école supérieure de la
place de Londres, toujours à Ixelles. C’est un établissement « professionnel » qui, en deux ans, doit préparer les
garçons à entrer dans la vie active. Sans doute cet enseignement lui déplaît-il : pour la seule et unique fois de sa
scolarité, ses résultats laissent à désirer. Il est question qu’il
arrête ses études et devienne apprenti à la maison
Van Roye-Waucquez. C’est aussi cette année-là qu’il
découvre le scoutisme, aux Boy-Scouts de Belgique, des
scouts « neutres », c’est-à-dire d’une laïcité affirmée. Le
scoutisme n’en est encore qu’à ses débuts : le mouvement
a été créé en 1908 et la première troupe belge date de
1910.
    La rentrée suivante voit un changement d’orientation
majeur. Georges quitte l’enseignement laïc. Il est inscrit
au collège Saint-Boniface, établissement archiépiscopaloù tous les enseignants sont des prêtres et où chaque
journée commence par une messe. Une pression directe
s’est exercée : celle d’Henri Van Roye-Waucquez, le
patron d’Alexis Remi. Homme très bien-pensant, il a
vivement insisté pour qu’Alexis Remi change ses enfants
d’école. Il a même dû proposer de payer leurs frais de scolarité. Une chose est sûre : cette décision inscrira durablement Hergé dans un milieu catholique et traditionaliste.
    Georges quitte sans le moindre regret l’école professionnelle pour entamer ses « humanités modernes ». Un
autre changement le marque davantage : un an plus tard,
il doit quitter les « scouts sans Dieu » pour rejoindre la
troupe du collège Saint-Boniface ; elle fait partie de
l’Association des scouts Baden-Powell de Belgique, placée
sous l’égide de l’Église catholique. Alexis Remi, soumis
aux pressions de son patron et des responsables de Saint-Boniface, a dû insister fortement auprès de Georges. À
Numa Sadoul, Hergé racontera le « déchirement de
quitter ses chefs, ses amis », évoquant le « sentiment de
trahison 21  » qu’il avait éprouvé. Mais, dans un autre entretien, non relu, le tableau qu’il dresse de sa première troupe
est assez différent : ces scouts n’avaient de neutre que le
nom, explique-t-il ; les chefs affichaient une attitude
ouvertement et parfois agressivement antireligieuse.
Quant à l’ambiance, elle était souvent trouble. Cinquante
ans après, Hergé évoquait avec un dégoût non dissimulé
les bagarres brutales et les séances de masturbation collective dans lesquelles les plus grands entraînaient les petits 22 .
    Une chose était frappante lorsqu’on parlait avec les
anciens élèves de Saint-Boniface : ceux qui avaient participé aux activités de la troupe scoute gardaient de leurs
années de collège un bien meilleur souvenir que leurs
camarades. Hergé lui-même le reconnut en de multiples
occasions : « C’est avec le scoutisme que le monde a commencé à s’ouvrir pour moi. C’est le grand souvenir de ma
jeunesse. Le contact avec la nature, le respect de la nature,
la débrouillardise. Tout cela a été essentiel pour moi et,
même si cela paraît un peu démodé, ce sont des valeurs
que je ne renie pas 23  », expliquait-il.
    En ce début des années vingt, le scoutisme n’a encore
rien d’une lourde institution. À Saint-Boniface en tout
cas, c’est un scoutisme à la dure que l’on pratique, et l’on
part en camp en tirant derrière soi les charrettes bourrées
de bagages. Le
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