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Herge fils de Tintin

Herge fils de Tintin

Titel: Herge fils de Tintin
Autoren: Benoit Peeters
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    Introduction
     
    Ce livre est l’aboutissement d’un long trajet. J’y songeais depuis des années. J’ai cru qu’il était trop tard pour
l’écrire. J’y ai repensé de plus en plus souvent. Il était
temps de le mener à bien.
    Si mon intérêt pour Tintin est presque aussi vieux que
moi, mes recherches sur la série et son auteur remontent
à plus de trente ans : à ce jour où je me suis rendu compte
que les albums d’Hergé étaient les seuls livres qui
m’avaient constamment accompagné, depuis ma petite
enfance. Comprendre le miracle de cette œuvre, ce caractère « inusable » qu’a évoqué Michel Serres, c’était déjà ce
qui m’importait, au printemps 1976, quand j’adressai à
Hergé une première lettre. C’est, aujourd’hui, ce qui
continue de me préoccuper. J’ai vieilli avec l’œuvre
d’Hergé, mes interrogations se sont déplacées. Ma curiosité n’a pas faibli.
    Ma première rencontre avec Hergé remonte au 29 avril
1977. Il répondit pendant plus de deux heures aux questions précises et pressantes, souvent naïves, parfois impertinentes, que nous lui posions, Patrice Hamel et moi-même. Je me souviens de sa disponibilité, de sa curiositéà notre égard et de ses éclats de rire. Je me souviens plus
encore de la réécriture intensive à laquelle il soumit le
texte de l’entretien, avant qu’il ne soit publié dans le
numéro 25 de la revue Minuit .
    Sous la conduite de Roland Barthes et sur le modèle de
son S/Z , je travaillais alors à une lecture minutieuse des Bijoux de la Castafiore qui paraîtrait plus tard sous le titre Les Bijoux ravis . Je croyais en être quitte avec Hergé
lorsqu’il suggéra mon nom pour le gros volume sur son
œuvre que voulaient réaliser ses éditeurs scandinaves et
qui devint Le Monde d’Hergé . C’est pour ce livre qu’il
m’accorda sa dernière interview, le 15 décembre 1982.
    Je me revois, dans ce qui s’appelait encore les Studios
Hergé, ouvrant ces grands tiroirs métalliques débordant
d’un invraisemblable mélange de dessins originaux (dont
certains ne tarderaient pas à disparaître), d’épreuves
diverses et de photocopies, ainsi que d’anciennes images
de documentation, assorties par le père d’Hergé de cotes
devenues incompréhensibles. J’allais de trouvaille en trouvaille, exhumant avec émerveillement des pages oubliées,
des illustrations publicitaires et d’innombrables couvertures dessinées pour Le Petit Vingtième. L’auteur des Aventures de Tintin ne s’était jamais trop soucié de ce qui n’était
pour lui que vieux papiers. Quelques années avant que je
ne me lance dans la réalisation de ce gros album, il disait
à Numa Sadoul que «  tout ne mérite évidemment pas
d’être sorti du sombre (et légitime !) oubli dans lequel
beaucoup de ces péchés de jeunesse étaient ensevelis 1  ».
En peu d’années, la situation avait bien changé, et nombreux étaient ceux, au lendemain de sa mort, à désirer
mieux connaître le pourtour de son œuvre. Mais
aujourd’hui, Le Monde d’Hergé ne me semble plus satisfaisant : tandis que je l’écrivais, les archives écrites restaient pour l’essentiel inaccessibles, les témoins se tenaient
dans une réserve prudente et j’étais moi-même loin de
mesurer toute la dimension du personnage.
    Au fil des ans, je n’ai cessé de retrouver Hergé : j’ai lu
des dizaines de livres et de manuscrits à son propos, préfacé de nombreux volumes, parlé de lui plus souvent qu’à
mon tour. L’exposition Hergé dessinateur , réalisée en 1989
avec Pierre Sterckx, est peut-être mon souvenir le plus
fort. Nous nous penchions longuement sur les planches
originales, aussi émerveillés que les spectateurs qui allaient
bientôt les découvrir dans la pénombre et le silence des
musées de Bruxelles, d’Angoulême, de Paris et de Londres. Mon regard sur Hergé avait changé : son travail
continuait de me parler, mais chaque fois différemment.
Devenu scénariste de bande dessinée, j’appréciais de plus
en plus l’intelligence de ses récits, l’audace de ses ellipses,
l’habileté de ses découpages.
    Ma découverte essentielle fut celle d’un individu bien
plus complexe que je ne l’avais d’abord imaginé. Rarement fut aussi manifeste le décalage entre la grandeur
d’une œuvre et l’apparente fadeur de son auteur. Le Hergé
public, celui des interviews, celui qui apparut par exemple
à Apostrophes lors du cinquantième
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