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Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Titel: Hasdrubal, les bûchers de Mégara
Autoren: Patrick Girard
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des relations entre les deux cités,
une forte colonie romaine s’était établie à Carthage et j’avais pu le constater
en faisant la connaissance de mon nouvel ami, Marcus Lucius Attilius. De même,
à Ostie et sur les bords du Tibre, vivaient de nombreux commerçants puniques
dont la tenue et l’accent guttural amusaient les compatriotes de Marcus Porcius
Caton.
    Mon père
avait fourni à certains d’entre eux des capitaux et avait empoché de copieux
bénéfices aussitôt réinvestis dans d’autres opérations commerciales. Un obscur
pressentiment m’amènerait à penser qu’il me destinait à surveiller l’ensemble
de ses activités de négociant et cette simple idée me faisait doublement
horreur. D’une part, je n’avais aucun goût pour le commerce et le marchandage.
J’étais le premier à être grugé par les boutiquiers, me refusant à discuter
leurs prix. D’autre part, mes longues conversations avec Himilkat m’avaient
ouvert les yeux sur une évidence dont je m’étonnais qu’elle ne fut point
partagée par mes concitoyens : à plus ou moins long terme, la concurrence
entre Rome et Carthage provoquerait une nouvelle guerre. Assurant à la cité de
Romulus une partie de son ravitaillement, celle d’Elissa ne pourrait toujours
supporter l’état de quasi-sujétion où elle se trouvait et, pour assurer la
sécurité de ses navires, elle devrait reconstruire sa flotte de guerre, en
violation du traité signé avec Publius Cornélius Scipion l’Africain. Faute de
quoi, elle devrait, tôt ou tard, renoncer à sa vocation de puissance maritime
et se contenter d’étendre son influence dans l’arrière-pays, trop pauvre pour
constituer un débouché intéressant pour ses produits. Quant à Rome, victorieuse
sur le plan militaire mais ruinée par les expéditions menées en Grèce et en
Orient, elle subirait de plein fouet l’interruption du versement du tribut
annuel quand nous nous serions acquittés totalement de notre dette à son égard.
Les partisans de la manière forte seraient alors tentés de déclencher un
nouveau conflit afin de nous contraindre, en cas de défaite, à payer à nouveau
une lourde indemnité de guerre pour renflouer les caisses du Trésor public.
    Un
patriote digne de ce nom devait se préparer à cette éventualité et c’est la
raison pour laquelle j’avais décidé d’embrasser la carrière militaire et de
suivre les traces d’Hannibal, le seul à avoir compris qu’entre Carthage et Rome
une lutte à mort s’était engagée et qu’elle se terminerait inéluctablement par
la disparition de l’une ou de l’autre. Lui-même, en dépit de son génie, avait
commis l’erreur de ne pas marcher sur Rome au lendemain de sa victoire à Cannes
et Himilkat m’avait raconté qu’il en avait conçu un remords perpétuel. Il me
fallait parachever son grand dessein et, pour cela, je devais obtenir de mon
père l’autorisation de devenir soldat.
    C’était
pour me préparer à cette entrevue décisive qu’au lendemain de mon escapade avec
Marcus Lucius Attilius j’avais choisi de demeurer chez moi afin de reprendre
des forces et de fourbir mes arguments. Envoyé par Himilkat, Aristée me rendit
visite et me fournit quelques conseils précieux. Quand je m’estimais prêt à
affronter la colère de Mutumbaal, je lui fis savoir par Baalnawas que je
désirais le rencontrer. À ma grande surprise, notre entrevue ne fut point aussi
orageuse que je le redoutais. Certes, je dus me morfondre de longues journées
dans mes appartements, attendant qu’il trouve enfin quelques minutes à me
consacrer. Mais, pour la première fois depuis nos retrouvailles, lorsqu’il me
reçut, il m’écouta attentivement. Loin de m’interrompre, il me laissa parler et
chassa d’un geste de la main les serviteurs venus lui rappeler l’arrivée de
gens auxquels il avait promis une audience. Quand j’eus terminé mon exposé, il
demeura longuement silencieux. Deux mois auparavant, j’aurais pris une telle
attitude pour de la moquerie ou du dédain. Cette fois, j’étais convaincu qu’il
réfléchissait intensément à mes propos, tentant de deviner si j’avais parlé
sincèrement et sérieusement ou si j’avais simplement voulu le provoquer.
Finalement, Mutumbaal se décida à me répondre et ses mots furent pour moi une délicieuse
surprise :
    — Hasdrubal,
je constate que tu as bien changé depuis quelques mois. Jamais je n’aurais
imaginé que tu te débarrasserais de tes
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