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Gondoles de verre

Gondoles de verre

Titel: Gondoles de verre
Autoren: Nicolas Remin
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se réjouit à l’idée d’avoir découvert un indice ayant échappé à Lionardo. Mais au lieu de lui répondre, celui-ci sortit un mouchoir blanc de la poche de sa redingote, le mouilla du bout de la langue et frotta la joue du défunt. Une tache rouge et grasse se forma sur le tissu.
    — Qu’est-ce que c’est ? demanda Tron en fronçant les sourcils.
    — Du rouge, commissaire ! répondit le docteur en le dévisageant d’un air amusé. Il s’est maquillé. Regardez, il s’est même mis un peu de fard à paupières. Il s’imaginait sans doute que cela l’embellissait.
    Le médecin attrapa une mèche retombée sur la joue gauche du cadavre et la souleva légèrement.
    — Vous n’avez rien remarqué sur ses cheveux ?
    — Qu’est-ce que je devrais remarquer ?
    — Vous ne voyez rien ?
    Non. Avec la meilleure volonté du monde, il ne voyait rien. Ce qui, à vrai dire, avait peut-être une explication très simple. Bien que persuadé qu’on voyait avec l’entendement et non avec les yeux, Tron sortit par précaution son binocle et le fixa sur son nez. Alors, il aperçut ce à quoi le docteur faisait allusion. Les cheveux, gris à la racine, prenaient une chaude couleur de noisette au bout d’un demi-centimètre.
    — Il se teignait, constata-t-il.
    Lionardo hocha la tête.
    — Oui, notre homme s’efforçait d’avoir l’air plus jeune. À ce propos, il venait juste de se mettre du rouge sur les joues.
    Il fixa le commissaire d’un air songeur.
    — Peut-être attendait-il de la visite ?
    Il attrapa alors sa mallette et se releva en gémissant.
    — Mais ce genre de déduction est de votre ressort.
    Sur ce point, il n’avait pas tort, pensa Tron. Kostolany ne se rajeunissait sûrement que pour accroître le plaisir qu’il prenait à se regarder dans un miroir. Ces cheveux teints et ce rouge sur les joues, cela lui évoquait quelque chose, mais quoi ? Ah oui, exact ! Cet écrivain allemand qu’on avait retrouvé mort sur le Lido deux ans plus tôt. Comment s’appelait-il déjà ? Bendix Grünlich ? Non. Ce n’était pas ce nom-là. Mais lequel alors ? Bah, peu importe !
    Quoi qu’il en soit, les objets ressortaient quand même plus nettement quand il avait son binocle. Il voyait à présent le filet de salive séchée qui partait de la commissure gauche des lèvres du défunt et s’étirait sur son menton, deux incisives jaunâtres entre ses lèvres (maquillées ?), de petites cicatrices presque imperceptibles sur son menton, sans doute un souvenir du rasage matinal. Et sur le carrelage de longs traits sombres qui avaient échappé aussi bien au sergent Bossi qu’au docteur Lionardo.
    Tron fronça les sourcils et se releva. Les traits menaient au vestibule – quatre lignes marron foncé, plus ou moins fortes, qui serpentaient un peu. En les suivant, il constata qu’elles s’arrêtaient au beau milieu de la pièce. On aurait dit… Il réfléchit un moment. Des traînées. Comme si on avait tiré quelque chose derrière soi et qu’on l’avait rapporté dans la salle d’exposition ou, plus précisément, à l’emplacement exact du cadavre. Soudain, Tron comprit d’où elles provenaient.
    — Ôtez les chaussures de Kostolany, ordonna-t-il au sergent. Et frottez le sol avec l’arrière du talon !
    Comme prévu, il en résulta une traînée marron foncé dont la couleur et la consistance – un trait granuleux comme un dessin à la craie grasse sur une feuille de papier rugueux – ressemblaient aux traces qui menaient dans le vestibule. Il annonça en souriant : — On dirait que l’assassin a traîné le cadavre dans le vestibule avant de le ramener dans cette pièce.
    Le docteur Lionardo plissa le front.
    — Pourquoi aurait-il fait cela ?
    — Peut-être pour recevoir ici un visiteur, suggéra le commissaire d’un air pensif. Un visiteur que la vue d’un cadavre aurait troublé…
    Il fit une pause lourde de sens.
    — À ce stade de l’enquête, en dire plus serait présomptueux.
    Ou carrément fou. L’évocation d’un deuxième visiteur frisait à elle seule déjà la folie, même si elle donnait l’impression d’être mûrement réfléchie. Pourtant, Tron éprouvait le besoin pressant de tirer quelques conclusions. Le sergent, toujours admiratif, lui adressa un regard plein de respect. Le médecin légiste, lui, bâilla de manière démonstrative.
    — Pouvons-nous remballer, commissaire ?
    — Pas avant que le sergent Bossi ait pris quelques photographies du lieu du crime,
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