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Des souris et des hommes

Des souris et des hommes

Titel: Des souris et des hommes
Autoren: John Steinbeck
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profonde, battu par les vagabonds qui, le
soir, descendent de la grand-route, fatigués, pour camper sur le bord de l'eau.
Devant la branche horizontale et basse d'un sycomore géant, un tas de cendre
atteste les nombreux feux de bivouac ; et la branche est usée et polie par
tous les hommes qui s'y sont assis.
    Au soir d'un jour très chaud, une brise
légère commençait à frémir dans les feuilles. L'ombre montait vers le haut des
collines. Sur les rives sablonneuses, les lapins s'étaient assis, immobiles,
comme de petites pierres grises, sculptées. Et puis, du côté de la grand-route,
un bruit de pas se fit entendre, parmi les feuilles sèches des sycomores.
Furtivement, les lapins s'enfuirent vers leur gîte. Un héron guindé s'éleva
lourdement et survola la rivière de son vol pesant. Toute vie cessa pendant un
instant, puis deux hommes débouchèrent du sentier et s'avancèrent dans la
clairière, au bord de l'eau verte.
    Ils avaient descendu le sentier à la file
indienne, et, même en terrain découvert, ils restaient l'un derrière l'autre.
Ils étaient vêtus tous les deux de pantalons et de vestes en serge de coton
bleue à boutons de cuivre. Tous deux étaient coiffés de chapeaux noirs
informes, et tous deux portaient sur l'épaule un rouleau serré de couvertures.
L'homme qui marchait en tête était petit et vif, brun de visage, avec des yeux
inquiets et perçants, des traits marqués. Tout en lui était défini : des
mains petites et fortes, des bras minces, un nez fin et osseux. Il était suivi
par son contraire, un homme énorme, à visage informe, avec de grands yeux pâles
et de larges épaules tombantes. Il marchait lourdement, en traînant un peu les pieds
comme un ours traîne les pattes. Ses bras, sans osciller, pendaient ballants à
ses côtés.
    Le premier homme s'arrêta net dans la
clairière, et son compagnon manqua de lui tomber dessus. Il enleva son chapeau
et en essuya le cuir avec l'index qu'il fit claquer pour en faire égoutter la
sueur. Son camarade laissa tomber ses couvertures et, se jetant à plat ventre,
se mit à boire à la surface de l'eau verte. Il buvait à grands coups, en
renâclant dans l'eau comme un cheval. Le petit homme s'approcha de lui nerveusement.
    — Lennie, dit-il sèchement, Lennie,
nom de Dieu, ne bois pas tant que ça.
    Lennie continuait à renâcler dans l'eau
dormante. Le petit homme se pencha et le secoua par l'épaule.
    — Lennie, tu vas te rendre malade
comme la nuit dernière.
    Lennie plongea toute la tête sous l'eau, y
compris le chapeau, puis il s'assit sur la rive, et son chapeau s'égoutta sur
sa veste bleue et lui dégoulina dans le dos.
    — C'est bon, dit-il. Bois-en un peu,
George. Bois-en une bonne lampée.
    Il souriait d'un air heureux.
    George détacha son ballot et le posa
doucement par terre.
    — J’suis point sûr que cette eau soit
bonne, dit-il. Elle m'a l'air d'avoir de l'écume.
    Lennie trempa sa grosse patte dans l'eau
et, agitant les doigts, la fit légèrement éclabousser. Des cercles s'élargirent
jusque sur l'autre rive et revinrent vers leur point de départ. Lennie les
observait.
    — Regarde, George, regarde ce que
j'ai fait.
    George s'agenouilla sur le bord de l'eau
et but dans sa main, à petits coups rapides.
    — Au goût, elle a l'air bonne,
admit-il. Pourtant, elle n'a pas l'air courante. Tu devrais jamais boire d'eau
qu'est pas courante, Lennie, dit-il d'un ton découragé. Tu boirais dans un
égout si t’avais soif.
    Il se jeta de l'eau à la figure, et se
débarbouilla, avec la main, sous le menton et autour de la nuque. Puis il remit
son chapeau, s'éloigna un peu du bord de l'eau, releva les genoux qu'il entoura
de ses deux bras. Lennie, qui l'avait observé, imita George en tous points. Il
se recula, remonta les genoux, les prit dans ses mains et regarda George pour
voir s'il avait bien tout fait comme il fallait. Il rabattit un peu plus son
chapeau sur ses yeux, afin qu'il fût exactement comme le chapeau de George.
    George, mélancoliquement, regardait l’eau.
Le soleil lui avait rougi le bord des yeux. Il dit, furieux :
    — Nous aurions pu tout aussi bien
rouler jusqu'au ranch, si ce salaud de conducteur avait su ce qu'il disait.
« Vous avez plus qu'un petit bout de chemin à faire sur la grand-route,
qu'il disait, plus qu'un petit bout de chemin. » Bon Dieu, près de quatre
milles, c'est ça qu'il y avait. Seulement, la vérité, c'est qu'il n' voulait
pas s'arrêter à la grille
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