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Clopin-clopant

Clopin-clopant

Titel: Clopin-clopant
Autoren: Annie François
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lointain
et les champs. Or, en quelques années, ce petit concert à la fois domestique, rural
et urbain cessa. Nombre de députés, usagers du métro, s’en émurent. Un entomologiste
les éclaira. Les grillons avaient déserté ou claboté, faute de provende. Et de quoi
se nourrissaient les grillons dans le métro ? De mégots. Et pourquoi n’en
trouvaient-ils plus ? Parce que les usagers ne fumaient plus. Et… ? Oui,
à cause des lois Veil puis Évin, les grillons n’eurent plus rien à se mettre
sous les mandibules (ce qui prouve que les députés et le personnel de l’Assemblée
nationale sont civiques et disciplinés).
    Il n’est pas sûr que les susdites lois aient sauvé beaucoup
de vies humaines, mais elles ont sonné le chant du départ des grillons.
    Il ne semblerait pas que les Verts s’en soient beaucoup émus.

L’épreuve de l’amitié
    En dehors des lieux publics, il y a des espaces privés qui
deviennent non-fumeurs sans que ce soit au nom de la loi. Je les évite tout
comme l’avion. Ainsi, pendant quelques mois, je ne suis pas allée chez
Catherine qui, éprouvée par une chimiothérapie de cheval, toussote dès qu’elle
me téléphone. Et c’est là où j’ai mesuré ma toxicomanie. Certes, je préférais
ne pas la voir que de l’incommoder, mais je préférais aussi ne pas la voir que
de m’abstenir. Nous avons fait des efforts mutuels : pour moi, moins fumer ;
pour elle, porter un masque à rhume. Rien n’y a fait.
    Nous attendions le printemps avec impatience jusqu’au moment
où elle m’a déculpabilisée : sa toux tenait à un problème gastrique. N’empêche,
j’avais fait mon choix avant cette précision.
    Cette histoire est accablante. Mais inutile de me chercher
noise. Car elle aurait eu plus de scrupules à m’empêcher de fumer que de
plaisir à me voir. Réciproquement, ma défection m’oblige à compenser un peu :
je lui écris des histoires, lui envoie des cartes, lui dépose des bouquets
garnis en revenant du marché, toutes choses dont des vaniteux trop assurés du
bienfait de leur sublime présence non fumeuse n’auraient peut-être pas idée.
    Personnellement, en tant que malade, je préfère les
visiteurs fumeurs. À force d’être désignés comme des malades potentiels, ils
sont en phase avec ceux qui souffrent et qui fument. Lors d’une énième
opération, une amie non fumeuse décida, malgré mes protestations, de fermer
fenêtre, volets et rideaux et de vider mon cendrier dans les cabinets. Je mis
une heure, traînant derrière moi ma potence de perfusion, à rouvrir fenêtre, volets
et rideaux pour jouir de l’air et du ciel. Plus une heure pour évacuer les
mégots qui flottaient dans la cuvette. François m’expliqua, trop tard, qu’il
suffisait d’un petit tapon de PQ sur le cimetière de clopes pour l’évacuer d’un
seul coup de chasse d’eau.
    Il y a donc une «  smoke culture  ». J’ai
appris le terme sur France-Inter en février 2002 à l’occasion de l’ouverture du
musée du Tabac – qui aurait donc remplacé le musée de la Seita. Décidément, la
muséographie n’honore que les espèces en voie de disparition.

Patience
    On s’offusquera que je fume en clinique (hors présence d’oxygène,
désormais). À ma décharge, dans ma déveine de malade « chronique », j’ai
le bonheur d’avoir un chirurgien exceptionnel, la chance qu’il n’opère qu’en
cliniques privées dotées de chambres individuelles. Comme c’est un artiste hors
pair et qu’on ménage mon moral en tolérant mon tabagisme, je me remets comme un
bébé, sans faire de complication.
    Ne gênant personne, je fume donc dès que mon état le permet
(et je bois, dès que je peux m’alimenter, un verre de bordeaux avec mon
jambon-purée sans sel). Si personne n’y trouve à redire, c’est que je suis une
malade modèle. Quand le kiné se présente pour m’aider à faire quelques pas dans
le couloir, ça fait déjà deux jours que je pédale : je me suis lavé les
cheveux, j’ai réaménagé ma chambre, débouché le lavabo, lu trois bouquins, changé
l’eau des fleurs, posé des pièges à pain pour dessiner les moineaux en écoutant
Schubert ou Aretha Franklin assise en tailleur sur mon lit que j’ai moi-même
refait, dans une chambre rangée, où l’air et la lumière entrent à flots et où
les miasmes ont peu de chances de s’épanouir à quinze degrés.
    Je reviens à la maison avec quelques trucs en moins mais l’air
de rentrer
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