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Charly 9

Charly 9

Titel: Charly 9
Autoren: Jean Teulé
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caractère que je ne saurais me passer d’elle ! Qu’il ne
lui soit fait aucun tort ni déplaisir ainsi qu’à ma protestante nourrice,
madame Portail…
    — Oui, bon, ben ça va !…
s’énerve Catherine de Médicis. Si on doit épargner tout le monde, ce n’est même
pas la peine de le faire !
    — Les huguenots Navarre et
Condé devront être protégés, reine Catherine, rappelle le garde des Sceaux, de
par leur appartenance à la descendance de Saint Louis…
    — À condition que ces princes
de sang abjurent leur religion hérétique ! exige la reine mère. Et ce sera
à toi, Charles, de les en sommer. Dague sous leur gorge, tu devras
demander : « Mort ou messe ? »
    — Et s’ils préfèrent les
prêches ?
    — Tu les tues.
    — Ventre-de-loup ! jure le
roi que cette perspective n’enchante pas du tout. C’est une chose que je ne
pourrai faire.
    La langue de Catherine claque,
intransigeante, entre ses dents :
    — Un roi peut ce qu’il
veut ! Et maintenant tout est suspendu à ton ordre : on le fait ou on
ne le fait pas ?
    Charles IX ressent dans les
oreilles un bourdonnement d’abeilles.
    — Agis comme tu veux, mamma.
C’est ta décision…
    — Ma décision doit être
légalisée par toi pour être applicable. C’est donc sur ton ordre seul qu’on
peut agir. Dis : « Je le veux. »
    Le roi se défend de plus en plus
faiblement :
    — Bon, bon… Ah non, jamais…
oui, non, bon, oui, non…
    Il cède en disant qu’il ne cédera
pas.
    — Allez, Majesté !
l’encourage Nevers. Et puis comme on dit, hein : « Au hasard de la
fortune de Mars ! »
    — Dis : « Je le
veux », répète la mère, sinon moi, dès cette nuit, je trousse mon paquet
et fuis vers l’Italie avec Mes Chers Yeux et toi, tu te débrouilles en France
où tu n’auras même plus un village pour te retirer ! C’est ce que tu
veux ?
    — Non, mamma… pleurniche son
fils fragile.
    Catherine se lève devant le flambeau
qui brûle derrière elle. Il faut la voir, à contre-jour en ce lustre ! Le
jeune roi se trouve rejeté dans l’ombre gigantesque de sa mère, descendante de
Laurent le Magnifique, qui lui lance :
    — Alors dis : « Je le
veux » si tu souhaites que je reste.
    — Je le veux… murmure Charles
d’une voix à peine audible.
    — Hein, quoi ? J’entends
pas !
    — Je le veux.
    — Tu veux quoi ?
    — Que tu restes…
    — Et puis ?… Et puis,
Charles ?
    — Et puis qu’on tue des
protestants…
    — Combien ?
    — Plusieurs.
    — Combien ?
    — Beaucoup.
    — Combien ?!
    — Tous, tous ! Tuez-les
tous ! se déchire Charles IX en attrapant son filet de chasse aux
alouettes. Les hommes, les femmes, les enfants, les infirmes, les vieillards…
Mais tuez-les tous, tous ! Je ne veux jamais voir un seul visage, entendre
un jour une voix qui me le reproche !
    — Et… l’aide sa mère comme on
fait à un petit garçon apprenant sa leçon.
    — Et donnez-y ordre
promptement !
    La mère se retourne. Sa collerette
en roue de carrosse pivote. Un nuage de poudre de riz parfumée s’envole. Sitôt
tous dans le couloir, on entend crier :
    — Le roi le commande !
C’est la volonté du roi ! C’est son commandement ! Le roi le
veut ! Tuez-les tous !
     

 
2
     
    Dimanche 24 août 1572
     
    (Saint-Barthélemy)
     
     

 
3
    Mercredi 27 août.
    — Quoi ? Quoi ?!
Quoi ?…
    C’est une rumeur sourde, un
grondement qui roule, une clameur faite de milliers de voix qui voudraient
savoir :
    — Quoi ? Quoi ?
Quoi ?…
    Ce sont des plaintes, des
exclamations, des vociférations, et des prières :
    — Crois ! Crois !
Crois !
    Ça hurle, gueule, mugit, rugit de
partout, exige des comptes :
    — Quoi ? Quoi ?…
    Chacun de ces cris entre dans la
tête, affolant, grinçant, telle une vrille :
    — Quoi ?…
    Le concert de voix gémit et hurle
comme dimanche dernier lors de la nuit du massacre. Charles, au fond d’un lit
de châtaignier à baldaquin, tourne en peur sous les draps. Les voix plaintives
de la Saint-Barthélemy reviennent à ses oreilles.
    — Quoi ?
    Il se réveille, suffocant et en
nage, tourmenté par le souvenir et des images de visages détruits, il se dit
que, maintenant qu’il a les yeux grands ouverts, le lourd songe oppressif va se
dissoudre, en tout cas il l’espère :
    — Crois !
    Mais le hideux cauchemar se
poursuit. Une horreur glace les sens du roi car il entend toujours les cris et
les
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