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Caïn et Abel

Caïn et Abel

Titel: Caïn et Abel
Autoren: Max Gallo
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sacrifiés.
    Je me suis souvenu de ce verset de l’Apocalypse :
    « J’ai vu sous l’autel les âmes de ceux qui ont été égorgés à cause de la parole de Dieu, du témoignage qu’ils portaient. »
    J’ai à nouveau sombré.
     
    Quand je me suis réveillé, le crépuscule était plus rouge encore que ne l’avait été l’aube.
    Par la porte ouverte et les deux étroites fenêtres qui encadraient l’autel coulait une lumière en fusion, si ardente que j’ai pensé à cet étang de feu dans lequel on précipitait ceux qui n’étaient pas inscrits sur le Livre de vie.
    Cette prophétie de l’Apocalypse, je la vivais, là, condamné pour avoir forcé cette porte, découvert le Christ décapité, ce sang séché.
    J’ai attendu, recroquevillé sur ma douleur, l’ultime coup de sabre censé trancher le fil de ma vie. Mais rien n’est venu et, après plusieurs tentatives, car je vacillais, j’ai réussi à me mettre debout. M’appuyant au mur de la main gauche, je me suis approché de l’autel, de la tête de Christ embrasée par la lumière rouge qui éclairait aussi les bas-côtés de la nef.
    Levant les yeux, j’ai aperçu, de part et d’autre de la croix, deux listes de noms, peut-être écrits avec du sang, que je n’ai plus oubliés.
     
    À gauche, j’en ai déchiffré quatre :
    Vangelis N atakis
    Claudia R omano
    Hans W essermann
    Hugo M oralès
    À droite, j’en ai lu trois :
    Rosa B erelowicz
    Vincent B oyon
    Louis V eraghen
    Ils étaient inscrits comme le sont les noms de soldats tombés au champ d’honneur dont on grave les patronymes sur le monument rappelant leurs exploits et leur sacrifice.
    Ceux-là étaient venus de Patmos pour retrouver Paul Déméter, s’asseoir sous les oliviers, écouter le « Vieux », Louis Veraghen, le philosophe platonicien au visage de vieille femme ridée.
    Mon imagination en a été si exaltée que j’en ai oublié le battement qui, à chaque coup, menaçait de me faire éclater la tête.
    J’ai pu marcher sans chanceler jusqu’à la porte, vers la source de lumière ardente.

9
    J’ai été aveuglé par la violence du déferlement de lumière.
    J’ai fermé les yeux avant de voir Vassilikos qui m’interpellait d’une voix rugueuse, hostile.
    Avançant jusqu’aux oliviers, je l’ai aperçu debout dans leur ombre, bras croisés, le mépris et la colère crispant son visage.
    Il m’a accusé d’avoir violé un lieu privé, sacré, car la chapelle appartenait au monastère Haghios Ioannis Théologos. Des bergers m’avaient vu en forcer la porte. Monseigneur Skiathos avait été averti et s’apprêtait à déposer plainte pour effraction et sacrilège.
    Je n’étais que l’un de ces Français qui ont perdu tout sens du respect. J’allais être expulsé de Patmos, a ajouté Vassilikos.
    Je me suis approché de lui, si près que j’aurais pu lui assener un coup de tête, lui écraser le nez etles lèvres. Il a reculé d’un pas, comme s’il avait craint que je ne cède à la tentation.
    « Du sang ! ai-je dit. Du sang partout : dans la maison de Déméter, sur les murs de la chapelle où j’ai lu sept noms écrits avec du sang ! »
     
    J’ai été le premier surpris de pouvoir les énoncer sans l’ombre d’une hésitation. Vassilikos m’a écouté avec dédain. Appuyé à un olivier, il avait allumé un cigare et, toutes les deux ou trois bouffées, il crachait avec dédain en se raclant la gorge. Quand je me suis tu, il a haussé les épaules :
    « J’ai un cadavre, a-t-il dit. Je n’en ai pas sept. »
    J’ai montré le cimetière, les tombes brisées, la terre retournée çà et là.
    « Qu’est-ce que vous en savez ? »
    Je m’étais persuadé qu’ils étaient là, parmi ces vieux morts, oubliés comme eux, alors que leur chair avait à peine commencé à se décomposer.
    « Ils sont venus et repartis », a répondu Vassilikos en s’éloignant.
     
    J’ai marché derrière lui, l’accusant de ne pas vouloir enquêter. Craignait-il le scandale ?
    Il s’est retourné brusquement.
    Esprit fort, a-t-il maugréé, je ne pouvais même pas imaginer ce que cela signifiait, de vivre à Patmos.
    La grotte de l’Apocalypse était comme une blessure béante dans chaque corps.
    On vivait avec ces prophéties. Mais qu’est-ce qu’un visiteur pouvait bien comprendre quand la plupart ne passaient là que quelques heures ?
    J’ai fait remarquer que Paul Déméter, lui, vivait dans l’île depuis plusieurs
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