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Belle Catherine

Belle Catherine

Titel: Belle Catherine
Autoren: Juliette Benzoni
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fût conduit sur l'heure à la maladrerie. Il avait fallu que le vieux curé se fâchât, jurât qu'il s'en irait avec Arnaud si l'on tentait quoi que ce soit contre lui. La peur était si grande que les paysans terrifiés eussent été capables de mettre le feu à toute maison qui l'eût recueilli. Seul, le presbytère, lieu sacré, pouvait échapper.
    Pour la première fois, le vieux Jean de Cabanes s'était présenté chez Catherine. Il s'était incliné avec respect devant la jeune femme en deuil et lui avait annoncé que, le lendemain, l'homme contaminé serait conduit, selon la loi, à la maladrerie de Calves après l'ultime messe que, dans l'église du village, on dirait pour lui. Il voulait savoir si Mme de Montsalvy souhaitait assister à la cruelle cérémonie.
    — Vous n'en doutez pas, je pense ? avait répondu Catherine durement.
    Pour le revoir encore, pour être avec lui, fût-ce un instant encore, elle serait allée jusqu'en enfer.
    Et maintenant, la nuit était venue. Les gens de Carlat s'étaient barricadés chez eux après avoir marqué d'une croix jaune la porte du presbytère. Les gardes étaient entassés dans le corps de garde, osant à peine surveiller les créneaux par peur, peut-être, de voir se lever dans les ténèbres la forme lugubre de la mort rouge. Les quelques sentinelles que les menaces de Kennedy avaient obligées de prendre leur garde grelottaient de peur aux créneaux. Debout à sa fenêtre, les bras croisés sur sa poitrine, Catherine regardait les ombres noires, cherchant à deviner, dans la seconde enceinte, la maison qui était le dernier refuge d'Arnaud. Ses yeux étaient secs, son front brûlait. Elle gardait maintenant un silence farouche.
    Assise dans un fauteuil, à quelques pas d'elle, Isabelle de Montsalvy gardait le même silence. Les doigts pâles de la vieille dame égrenaient un chapelet. Catherine, elle, ne pouvait plus prier. Dieu était trop haut, trop loin pour que les misérables prières humaines pussent l'atteindre. Il avait accordé à Catherine le souhait né au plus fort de sa fièvre : revoir le bien-aimé, le toucher encore une fois. Mais de quel prix lui faisait-il payer cette faveur ?
    Elle avait tout compris, maintenant, de l'inexplicable. Sara lui avait dit comment, une nuit, Arnaud était venu l'éveiller pour lui montrer, sur son bras nu, une large tache blanchâtre et grumeleuse qu'elle avait regardée avec terreur. C'était bien, comme il le craignait, une première trace de la maladie, le sceau maudit de la lèpre. Elle dit encore comment le jeune homme lui avait fait jurer de garder le silence. Il voulait tenter de détacher Catherine de lui pour qu'elle pût, plus tard, sans trop de regrets, s'en aller vers une autre vie. Mais il avait compté sans l'amour désespéré de la jeune femme, sans sa propre passion. Son plan généreux avait échoué et maintenant Catherine savait... comme Isabelle avait su, elle, une autre nuit, dans la chapelle !
    Quand elle tournait la tête vers la vieille dame, Catherine s'étonnait presque de trouver sur son visage ravagé une douleur égale à la sienne. Une autre femme pouvait-elle donc souffrir autant qu'elle ?... Au fond de la nuit, une louve hurla.
    C'était le temps des amours et la bête appelait son mâle. Catherine frissonna. Pour elle, c'en était fini du temps des amours... Il ne lui resterait plus que le devoir, austère, rigide, la seule occupation d'un cœur qui ne serait plus que cendres demain, quand...
    Elle vieillirait, comme cette femme qui pleurait sans larmes auprès d'elle, seule, toute sa vie attachée à l'enfant qui, un jour, s'en irait, jusqu'à ce que vînt pour elle aussi le temps du repos.
    Soudain, une immense pitié l'envahit pour cette vieille femme qui, marche après marche, avait gravi un affreux calvaire et n'en avait pas encore atteint la croix. Il y avait eu l'époux mourant quand elle était encore jeune, puis la mort atroce de Michel, le plus tendre et le plus doux de ses fils, son préféré. Et, maintenant, cette chose abominable ! Les rides creusées dans ce visage las y inscrivaient chacune de ses souffrances. Un cœur de femme pouvait-il, sans se briser tout à fait, sans perdre le courage de battre encore, endurer tant de douleurs ?

    Doucement, elle descendit vers Isabelle, posa une main timide sur son épaule. Les yeux décolorés, rougis de larmes se levèrent sur elle, pitoyables. Catherine avala sa salive, força sa voix, enrouée soudain, à sortir, mais ce
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